'elle avait entendu raconter elle-meme a sa mere,
tandis que Francois faconnait de petites statuettes avec de la terre grasse
ou dessinait sur le sable des cathedrales imaginaires. Rien n'etait plus
touchant que cette communication d'idees entre deux enfants si jeunes.
Bientot Marie, sur les instances de son ami, se decida a derober
quelques-uns des rares manuscrits de son pere. Elle les lui remettait en
secret. Une fois rentre chez lui, Francois les etudiait avec ardeur,
devinant les passages difficiles a comprendre, tant son esprit avait de
sagacite, et reproduisant les dessins et les figures de geometrie. Au bout
de cinq ans, il les savait par coeur. Il critiquait deja les travaux de son
maitre; il tracait des plans de fantaisie, appelant de tous ses voeux le
moment ou il commanderait a son tour. Il n'etait encore que simple
manoeuvre! Pierre Vardouin fut emerveille des dispositions de son apprenti;
sa facilite, ses connaissances le frapperent d'etonnement. Un instant, il
songea a lui confier ses ouvrages les plus delicats: ses traces; ses
modeles, ses epures; mais, a la reflexion, il eut peur. Il se garda bien
d'encourager et d'aiguillonner ce talent naissant, qui deja lui portait
ombrage.
La confidence de Marie reveilla toutes les inquietudes de Pierre Vardouin.
Francois Regnault, son apprenti, son protege, aime de sa fille! Cette
pensee le faisait fremir. Pour peu que cette passion s'enracinat dans le
coeur de son enfant, il voyait le jour ou il serait oblige de ceder a son
desir. Son gendre alors deviendrait son rival; sa jeune renommee ferait
palir son etoile. Il etait grand temps de lui oter toute esperance, en lui
montrant l'inutilite de ses pretentions. Quant a Marie, il dirigerait son
esprit vers d'autres idees. On mettrait en jeu sa vanite; on lui ferait
comprendre qu'elle ne devait pas avoir d'amours vulgaires et qu'elle
pouvait pretendre aux plus beaux partis. En cherchant a se cacher ainsi la
verite, Pierre Vardouin en vint a se tromper de bonne foi. Tout en
combattant, par un sentiment d'inquietude personnel, les voeux de sa fille,
il s'imagina travailler dans l'interet de son enfant bien plus que dans
celui de sa presomption. Deja il caressait la pensee d'une alliance avec un
de ses anciens amis, Henry Montredon, alors employe aux premiers travaux de
l'abbaye de Saint-Ouen.
Tandis que Pierre Vardouin roulait ces beaux projets dans sa tete, Marie
sortait de l'office en compagnie de la veuve Regnault e
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