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marquis. Son front avait quelque chose d'inspire, et sa physionomie
vulgaire avait le rayonnement qu'on admire dans une tete de genie.
Chacun, en effet, peut avoir ici-bas ses jours de triomphe. Quelquefois les
esprits les moins delicats trouvent l'occasion de s'elever, sur les ailes
du devouement, jusqu'a ces hauteurs sublimes ou planent les intelligences
superieures. S'il y a une couronne sur le front des poetes, il y a une
aureole sur celui des hommes simples, dont le sacrifice est sans eclat et
la mort sans gloire.
--Monsieur le marquis?... dit timidement le vieux domestique.
--Que me veux-tu, mon bon Dominique?
--Monsieur le marquis me permettra-t-il de le sauver?
--Toi?... Nous sauver?... Et comment? s'ecria M. de Louvigny, qui pensa un
instant que son domestique n'avait plus sa raison.
--Ne m'interrogez pas, monsieur le marquis! repondit Dominique. Donnez-moi
liberte pleine et entiere, et je vous sauverai peut-etre!
--Tu ne courras aucun danger? se hata de demander M. de Louvigny.
--Ne m'interrogez pas! dit encore le vieillard, mais a voix basse et de
maniere a n'etre entendu que de son maitre.
--Je comprends! repondit le marquis. Je serais seul, que je ne
t'accorderais pas l'autorisation que tu me demandes; car tu vas peut-etre
exposer ta vie.
--Ainsi, dit Dominique avec joie, vous me permettez?...
--Oui! reprit le marquis en serrant la main de son domestique avec energie.
Va! que Dieu t'accompagne! et, si je ne puis te recompenser, le ciel est
la!
--Oh! merci, monsieur le marquis, dit le vieux domestique en baisant la
main de son maitre; merci!
Il se dirigea vers la porte de la chambre.
--Je sauverai donc mademoiselle Marguerite! se disait-il en tournant la
clef dans la serrure.
Et il sortit precipitamment, pour ne pas laisser voir les larmes qui
tombaient de ses yeux.
V
Desespoir de Dominique.
Le vieux Dominique etait alle s'enfermer dans sa mansarde, ou il attendait
impatiemment le retour du soleil. Il etait en proie a une agitation
cruelle.
Enfin, le jour parut. Dominique sauta a bas du lit et traversa les
corridors avec precaution, afin de ne reveiller personne. Quand il se
trouva dans le chemin, il hata le pas pour gagner le centre de la ville.
Huit heures sonnaient au beffroi de la cathedrale, lorsqu'il arriva sur la
place de l'Hotel-de-Ville. Il s'approcha d'un mur ou l'on placardait les
affiches, et toute son attention parut se concentrer sur
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