ahuts, couverts de coussins, remplissaient le meme role que ces
inventions du luxe moderne.
Voila comment Pierre Vardouin, revenu de sa promenade, surprit Marie
s'epuisant en efforts inutiles pour deranger l'un de ces meubles.
--Que signifie tout cet emmenagement? dit le maitre de l'oeuvre en se
croisant les bras et en regardant sa fille de l'air le plus etonne du
monde.
--Aidez-moi d'abord a placer le bahut pres de la table. Tout va
s'expliquer.
--Allons, puisqu'il le faut! dit Pierre Vardouin du ton d'un pere habitue a
satisfaire les caprices de sa fille.
--Maintenant, reprit-il en s'asseyant sur le bahut, m'expliqueras-tu ce que
cela veut dire?
--Vous donnez a diner.
--Et je ne connais pas mes convives? La chose est plaisante!
A cet instant, la vieille servante ouvrit la porte et vint placer sur la
table deux plats copieusement garnis.
--C'est donc serieux? dit Pierre Vardouin en prenant un ton severe. Je
gagerais que tu as invite Francois et sa mere, sans mon autorisation?
--Vous vous trompez: je n'ai invite ni Francois, ni sa mere. Voici ce qui
s'est passe. En revenant de Norrey, la veuve Regnault et moi, nous avons
rencontre un etranger qui nous a priees de le mener pres de vous.
--C'est cela! tu m'amenes un inconnu, un vagabond peut-etre?
--Ni l'un ni l'autre, dit le voyageur qui venait d'entrer dans la chambre
avec Francois.
--Serait-il possible! s'ecria Pierre Vardouin en pleurant de joie. Toi ici,
Henry Montredon, mon ancien camarade!
--Moi-meme! mon vieil ami, dit l'etranger en pressant avec effusion les
mains du maitre de l'oeuvre. Des affaires m'appelaient a Caen. Je n'ai pas
voulu quitter le pays sans embrasser mon bon Pierre Vardouin!
C'etait plaisir de voir ces deux vieillards se donner de touchantes marques
d'affection, apres tant d'annees d'absence. Marie et Francois s'etaient
discretement retires au fond de la chambre pour les laisser tout entiers a
leur bonheur. Ils auraient pu se parler, et pourtant ils gardaient un
respectueux silence et consideraient cette scene avec attendrissement.
Pierre Vardouin excitait en eux une surprise dont ils ne se rendaient pas
compte. Ils etaient habitues a le voir triste et taciturne. Maintenant il
s'abandonnait a tous les elans de la joie. Ses traits, ordinairement
severes, prenaient tous les tons dont s'eclairent les natures passionnees.
--Marie, Francois, allons donc, petits faineants! s'ecria Pierre Vardouin
en remarquant pour l
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