su pourquoi j'aimais ma mere et Dieu, pourquoi j'avais de
l'intelligence. Et toutes ces notions me venaient de mon amour pour vous.
Je vous voyais bonne et j'eus immediatement l'idee d'une bonte superieure a
la votre: Dieu m'etait revele! Je vous voyais belle, et j'eus l'idee d'une
beaute plus parfaite encore: j'eus le sentiment du beau! Je remarquai
l'expression toujours variee de vos traits, la mobilite de vos pensees; et
je fus doue d'invention! Les quelques manuscrits de votre pere m'ont donne
des connaissances; vous, vous m'avez donne l'inspiration! Vous etes et vous
serez le principe de tout ce que je ferai, de tout ce que j'imaginerai de
grand et de beau!
Plus le jeune homme parlait, plus les mots se pressaient harmonieux et
sonores sur ses levres. Il s'exprimait avec toute la force d'une ame libre
et convaincue. Le sein de Marie se gonflait d'emotion. La voix de son ami
frappait aussi doucement son oreille qu'une musique celeste.
--Si j'etais peintre, continua Francois, j'entourerais votre front d'une
brillante aureole et je vous placerais entre la terre et les astres, sur la
route du ciel. Si j'etais sculpteur, je n'aurais pas assez de ma vie pour
reproduire avec le marbre la finesse de vos traits, le charme de votre
sourire!
--Et moi, si j'etais reine, repondit Marie en pressant avec effusion la
main du jeune homme, je vous demanderais de me construire un palais, non
pas pour avoir une magnifique demeure, mais pour vous faire elever un
monument qui dirait votre nom aux siecles futurs. Car vous etes grand,
Francois! car vous meritez d'etre illustre! et je...
Marie s'arreta, rougissante. Ce mot charmant a dire, plus charmant a
entendre, ce mot si noble et tant de fois profane, que chaque siecle
prononce et qui ne mourra jamais, ce mot: je t'aime! allait s'echapper de
sa bouche. Mais Francois l'avait devine. Ivre de bonheur, il approcha ses
levres du front de la jeune fille. C'etait le premier baiser. Marie sentit
un frisson de plaisir courir par tous ses membres. En meme temps, la sainte
honte de la pudeur colora son visage; et la petite rose d'eglantier,
qu'elle tenait a la main, semblait palir de jalousie aupres de l'eclat de
son teint. Marie n'avait pas oppose de resistance. Elle ne fit pas non plus
de reproches, parce qu'elle n'etait pas coquette et qu'elle aimait de toute
la force de son ame. Elle etait heureuse! pourquoi se plaindre? Francois
eprouvait plus d'embarras que son amie. Il s'etait detourn
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