lus
Porthos sur le dos.
En effet, le cheval avait ete ramene du relais par les soins du
prelat, a qui aucun detail n'echappait.
D'Artagnan parut on ne peut plus satisfait de l'explication.
Il commencait un role de dissimulation qui convenait parfaitement
aux soupcons qui s'accentuaient de plus en plus dans son esprit.
Il dejeuna entre le jesuite et Aramis, ayant le dominicain en face
de lui et souriant particulierement au dominicain, dont la bonne
grosse figure lui revenait assez.
Le repas fut long et somptueux; d'excellent vin d'Espagne, de
belles huitres du Morbihan, les poissons exquis de l'embouchure de
la Loire, les enormes chevrettes de Paimboeuf et le gibier delicat
des bruyeres en firent les frais.
D'Artagnan mangea beaucoup et but peu. Aramis ne but pas du tout,
ou du moins ne but que de l'eau. Puis apres le dejeuner:
-- Vous m'avez offert une arquebuse? dit d'Artagnan.
-- Oui.
-- Pretez-la-moi.
-- Vous voulez chasser?
-- En attendant Porthos, c'est ce que j'ai de mieux a faire, je
crois.
-- Prenez celle que vous voudrez au trophee.
-- Venez-vous avec moi?
-- Helas! cher ami, ce serait avec grand plaisir, mais la chasse
est defendue aux eveques.
-- Ah! dit d'Artagnan, je ne savais pas.
-- D'ailleurs, continua Aramis, j'ai affaire jusqu'a midi.
-- J'irai donc seul? dit d'Artagnan.
-- Helas! oui! mais revenez diner surtout.
-- Pardieu! on mange trop bien chez vous pour que je n'y revienne
pas.
Et la-dessus d'Artagnan quitta son hote, salua les convives, prit
son arquebuse, mais, au lieu de chasser, courut tout droit au
petit port de Vannes.
Il regarda en vain si on le suivait; il ne vit rien ni personne.
Il freta un petit batiment de peche pour vingt-cinq livres et
partit a onze heures et demie, convaincu qu'on ne l'avait pas
suivi. On ne l'avait pas suivi, c'etait vrai. Seulement, un frere
jesuite, place au haut du clocher de son eglise, n'avait pas,
depuis le matin, a l'aide d'une excellente lunette, perdu un seul
de ses pas. A onze heures trois quarts, Aramis etait averti que
d'Artagnan voguait vers Belle-Ile.
Le voyage de d'Artagnan fut rapide: un bon vent nord-nord-est le
poussait vers Belle-Ile.
Au fur et a mesure qu'il approchait, ses yeux interrogeaient la
cote. Il cherchait a voir, soit sur le rivage, soit au-dessus des
fortifications, l'eclatant habit de Porthos et sa vaste stature se
detachant sur un ciel legerement nuageux.
D'Artagnan chercha
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