e, qui, n'absorbant pas l'eau, est, par cela meme, excellente.
Il va de soi qu'un profond silence regna dans l'embarcation a partir de
ce moment. Le bruit des voix effarouche trop facilement le poisson, et
d'ailleurs un pecheur serieux a autre chose a faire qu'a s'oublier en
bavardages. Il doit etre attentif a tous les mouvements de sa flotte,
et ne pas laisser echapper l'instant precis ou il convient de ferrer la
proie.
Pendant cette matinee, Ilia Brusch eut lieu d'etre satisfait. Non
seulement il prit une vingtaine de gardons, mais encore douze chevesnes
et quelques dards. Si M. Jaeger avait en realite les gouts du passionne
amateur qu'il s'etait vante d'etre, il ne pouvait qu'admirer la
precision rapide avec laquelle son hote ferrait, ainsi que cela est
necessaire pour les poissons de cette espece. Des qu'il sentait que
"cela mordait", il se gardait bien de ramener aussitot ses captures a
la surface de l'eau, il les laissait se debattre dans les fonds, se
fatiguer en vains efforts pour se decrocher, montrant ce sang-froid
imperturbable qui est l'une des qualites de tout pecheur digne de ce
nom.
La peche fut terminee vers onze heures. Pendant la belle saison, le
poisson ne mord pas, en effet, aux heures ou le soleil, parvenu a
son point culminant, fait scintiller la surface des eaux. Le butin,
d'ailleurs, etait suffisamment abondant. Ilia Brusch craignait meme
qu'il ne le fut trop, en raison du peu d'importance de la ville de
Neustadt ou la barge s'arreta vers cinq heures.
Il se trompait. Vingt-cinq ou trente personnes guettaient son apparition
et le saluerent de leurs applaudissements, des que l'embarcation fut
amarree. Bientot il ne sut auquel entendre, et, en quelques instants,
les poissons furent echanges contre vingt-sept florins, qu'Ilia Brusch
versa, seance tenante, a M. Jaeger a titre de premier dividende.
Celui-ci, conscient de n'avoir aucun droit a l'admiration publique,
s'etait modestement abrite sous le tot, ou Ilia Brusch vint le
rejoindre, aussitot qu'il put se debarrasser de ses enthousiastes
admirateurs. Il convenait, en effet, de ne pas perdre de temps pour
chercher le sommeil, la nuit devant etre fort ecourtee. Desireux d'etre
de bonne heure a Ratisbonne, dont pres de soixante-dix kilometres le
separaient, Ilia Brusch avait decide qu'il se remettrait en route des
une heure du matin, ce qui lui donnerait le loisir de pecher encore au
cours de la journee suivante, malgre la longueur de l'etap
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