pecher, afin de ne
pas decevoir les admirateurs qu'il ne pouvait manquer d'avoir dans la
capitale, ou il avait eu soin de faire annoncer son arrivee par les cent
voix de la Presse.
D'ailleurs, ne fallait-il pas penser aux interets de M. Jaeger, trop
negliges pendant cette semaine de navigation acharnee? Bien qu'il ne se
plaignit pas, ainsi qu'il s'y etait engage, celui-ci ne devait pas etre
content, Ilia Brusch le comprenait de reste, et c'est pour etre en
mesure de lui donner au moins une apparence de satisfaction, qu'il
s'etait arrange de maniere a n'avoir qu'une trentaine de kilometres a
franchir durant cette derniere journee. Ainsi, malgre la diminution de
sa vitesse, il lui serait quand meme possible d'atteindre Vienne d'assez
bonne heure pour tirer parti du produit de sa peche.
Au moment ou Karl Dragoch sortit de la cabine, le butin etait deja
abondant, mais le pecheur devait faire mieux encore. Vers onze heures,
sa ligne ramena un brochet de vingt livres. C'etait une piece royale qui
obtiendrait surement un haut prix des amateurs viennois.
Enhardi par ce succes, Ilia Brusch voulut tenter la chance une derniere
fois, ce en quoi il eut grand tort, ainsi que l'evenement le prouva.
Comment s'y prit-il? Il eut ete bien incapable de le dire. Le fait est
que, lui, toujours si adroit, eut a ce moment un coup malheureux. Que ce
soit le resultat d'un instant de distraction ou pour toute autre cause,
sa ligne, fut mal lancee, et l'hamecon, violemment ramene, vint frapper
son visage ou il traca un sillon sanglant. Ilia Brusch poussa un cri de
douleur.
Apres avoir laboure les chairs, l'hamecon, continuant sa route, agrippa
au passage les lunettes aux grands verres noirs que le pecheur portait
jour et nuit, et cet instrument, enleve comme une plume, se mit a
decrire des courbes eperdues a quelques centimetres au-dessus de la
surface de l'eau.
Etouffant une exclamation de depit, Ilia Brusch, apres un coup d'oeil
plein d'inquietude a l'adresse de M. Jaeger, eut tot fait de ramener a
lui les lunettes vagabondes, qu'il s'empressa de remettre a leur place
primitive. Alors seulement il parut soulage.
Cet incident n'avait dure que quelques secondes, mais ces quelques
secondes avaient suffi a Karl Dragoch pour constater que son hote
possedait de magnifiques yeux bleus, dont le regard tres vif semblait
peu compatible avec une vue maladive.
Le detective ne put faire autrement que de reflechir a cette
singularite, son t
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