trer dans un lieu desert.
De cette bande, Titcha etait meme un membre important; il pouvait etre
considere comme le premier apres le chef, dont les exploits valaient au
nom du pilote une honteuse celebrite. Quant aux deux autres, Sakmann et
Zerlang, simples comparses: des bras, non des tetes.
"C'est lui! murmura Titcha, en arretant de la main ses compagnons, des
qu'il decouvrit la barge au detour du fleuve.
--Dragoch? interrogea Sakmann.
--Oui.
--Tu en es sur?
--Absolument.
--Mais tu ne vois pas sa figure, puisqu'il a le dos tourne, objecta
Zerlang.
--Ca ne m'avancerait pas a grand'chose de voir sa figure; repondit
Titcha. Je ne le connais pas. A peine si je l'ai apercu a Vienne.
--Dans ce cas!..
--Mais je reconnais parfaitement le bateau, interrompit Titcha, j'ai eu
tout le loisir de l'examiner, pendant que Ladko et moi nous etions noyes
dans la foule. Je suis certain de ne pas me tromper.
--En route, alors! fit l'un des hommes.
--En route," approuva Titcha, en depliant un paquet qu'il tenait sous
son bras.
Le pilote continuait a ne pas se douter de la surveillance dont il etait
l'objet. Il n'avait pas entendu les trois hommes arriver; il ne les
entendit pas davantage, lorsqu'ils s'approcherent en etouffant le bruit
de leurs pas dans l'herbe epaisse de la rive. Perdu dans son reve, il
laissait sa pensee fuir avec le courant vers Natcha et vers le pays.
Tout a coup une multitude d'inextricables liens s'enroulerent a la fois
autour de lui, l'aveuglant, le paralysant, l'etouffant.
Redresse d'une secousse, il se debattait instinctivement et s'epuisait
en vains efforts, quand un choc violent sur le crane le jeta tout
etourdi dans le fond de la barge. Pas si vite, cependant, qu'il n'ait eu
le temps de se voir prisonnier des mailles de l'un de ces vastes filets
designes sous le nom d'eperviers, dont lui-meme avait use plus d'une
fois pour capturer le poisson.
Lorsque Serge Ladko sortit de ce demi-evanouissement, il n'etait plus
enveloppe du filet a l'aide duquel on l'avait reduit a l'impuissance.
Par contre, etroitement ligotte par les multiples tours d'une corde
solide, il n'aurait pu faire le plus petit mouvement; un baillon eut au
besoin etouffe ses cris, un impenetrable bandeau lui enlevait l'usage de
la vue.
La premiere sensation de Serge Ladko, en revenant a la vie, fut celle
d'un veritable ahurissement. Que lui etait-il arrive? Que signifiait
cette inexplicable attaque, et que vo
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