_maison Lazare_. Le college Duplessis devint un lieu de
detention; enfin le palais du Luxembourg, d'abord destine a recevoir les
vingt-deux girondins, fut rempli d'un grand nombre de prisonniers, et
renferma pele-mele tout ce qui restait de la brillante societe du faubourg
Saint-Germain. Ces arrestations subites ayant amene un encombrement dans
les prisons, les detenus furent d'abord mal loges. Confondus avec les
malfaiteurs et jetes sur la paille, les premiers momens de leur detention
furent cruels. Bientot, cependant, le temps amena l'ordre et les
adoucissemens. Les communications avec le dehors leur etant permises, ils
eurent la consolation d'embrasser leurs proches, et la faculte de se
procurer de l'argent. Alors ils louerent des lits ou s'en firent apporter;
ils ne coucherent plus sur la paille, et furent separes des malfaiteurs. On
leur accorda meme toutes les commodites qui pouvaient rendre leur sort plus
supportable: car le decret permettait de transporter dans les maisons
d'arret tous les objets dont les detenus auraient besoin. Ceux qui
habitaient les maisons nouvellement etablies furent encore mieux traites.
A Port-Libre, dans la maison Lazare, au Luxembourg, on se trouvaient de
riches prisonniers, on vit regner la proprete et l'abondance. Les tables
etaient delicatement servies, moyennant les droits d'entree que prelevaient
les geoliers. Cependant l'affluence des visiteurs etant devenue trop
considerable, et les communications avec le dehors paraissant une trop
grande faveur, cette consolation fut interdite, et les detenus ne purent
plus communiquer avec personne que par ecrit, et seulement pour se procurer
les objets dont ils avaient besoin. Des cet instant, la societe parut
devenir plus intime entre ces malheureux, condamnes a exister exclusivement
ensemble. Chacun se rapprocha suivant ses gouts, et de petites societes se
formerent. Des reglemens furent etablis; on se partagea les soins
domestiques, et chacun en eut la charge a son tour. Une souscription fut
ouverte pour les frais de logement et de nourriture, et les riches
contribuerent ainsi pour les pauvres.
Apres avoir vaque aux soins de leur menage, les differentes chambrees se
reunissaient dans des salles communes. Autour d'une table, d'une poele,
d'une cheminee, se formaient des groupes. On se livrait au travail, a la
lecture, a la conversation. Des poetes, jetes dans les fers avec tout ce
qui avait excite la defiance par une superiorite quelconque,
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