lisaient des
vers. Des musiciens donnaient des concerts, et on entendait chaque jour de
l'excellente musique dans ces lieux de proscription. Bientot le luxe
accompagna les plaisirs. Les femmes se parerent, des liaisons d'amitie et
d'amour s'etablirent, et on vit se reproduire, jusqu'a la veille de
l'echafaud, toutes les scenes ordinaires de la societe. Singulier exemple
du caractere francais, de son insouciance, de sa gaiete, de son aptitude au
plaisir dans toutes les situations de la vie!
Des vers charmans, des aventures romanesques, des actes de bienfaisance,
une confusion singuliere de rangs, de fortune et d'opinion, signalerent ces
trois premiers mois de la detention des suspects. Une sorte d'egalite
volontaire realisa dans ces lieux cette egalite chimerique que des
sectaires opiniatres voulaient faire regner partout, et qu'ils ne
reussirent a etablir que dans les prisons. Il est vrai que l'orgueil de
quelques prisonniers resista a cette egalite du malheur. Tandis qu'on
voyait des hommes, fort inegaux d'ailleurs en fortune, en education, vivre
tres bien entre eux, et se rejouir, avec un admirable desinteressement, des
victoires de cette republique qui les persecutait, quelques ci-devant
nobles et leurs femmes, trouves par hasard dans les hotels deserts du
faubourg Saint-Germain, vivaient a part, s'appelaient encore des noms
proscrits de comte et de marquis, et laissaient voir leur depit quand on
venait dire que les Autrichiens avaient fui devant Watignies, ou que les
Prussiens n'avaient pu franchir les Vosges. Cependant la douleur ramene
tous les coeurs a la nature et a l'humanite: bientot, lorsque
Fouquier-Tinville, frappant chaque jour a la porte de ces demeures
desolees, demanda sans cesse de nouvelles tetes; quand les amis, les
parens, furent chaque jour separes par la mort, ceux qui restaient
gemirent, se consolerent ensemble, et n'eurent plus qu'un meme sentiment au
milieu des memes malheurs.
Cependant les prisons n'offraient pas toutes les memes scenes. La
Conciergerie, tenant au Palais de Justice, et renfermant, a cause de cette
proximite, les prisonniers destines au tribunal revolutionnaire, presentait
le douloureux spectacle de quelques cents malheureux n'ayant jamais plus de
trois ou quatre jours a vivre. On les y transferait la veille de leur
jugement, et ils n'y passaient que le court intervalle qui separait leur
jugement de leur execution. La se trouvaient les girondins qu'on avait
tires du Luxembou
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