mmagee et la plus a
plaindre. Un degout universel, un scepticisme absolu, furent ses derniers
sentimens, et il marcha a l'echafaud avec un calme et une indifference
extraordinaire. Traine le long de la rue Saint-Honore, il vit son palais
d'un oeil sec, et ne dementit pas un moment son degout des hommes et de la
vie. Son aide-de-camp Coustard, depute comme lui, fut associe a son sort.
Deux jours apres, l'interessante et courageuse epouse de Roland les suivit
a l'echafaud. Cette femme, reunissant aux graces d'une Francaise l'heroisme
d'une Romaine, portait toutes les douleurs dans son ame. Elle respectait et
cherissait son epoux comme un pere; elle eprouvait pour l'un des girondins
proscrits une passion profonde, qu'elle avait toujours contenue; elle
laissait une fille, jeune et orpheline, confiee a des amis; tremblante pour
tant d'etres si chers, elle croyait a jamais perdue cette cause de la
liberte dont elle etait enthousiaste, et a laquelle elle avait fait de si
grands sacrifices. Ainsi elle souffrait dans toutes ses affections a la
fois. Condamnee pour cause de complicite avec les girondins, elle entendit
son arret avec une sorte d'enthousiasme, sembla inspiree depuis le
moment de sa condamnation jusqu'a celui de son execution, et excita, chez
tous ceux qui la virent, une espece d'admiration religieuse. Elle alla a
l'echafaud vetue en blanc; pendant toute la route, elle ranima les forces
d'un compagnon d'infortune qui devait perir avec elle, et qui n'avait pas
le meme courage; deux fois meme elle parvint a lui arracher un sourire.
Arrivee sur le lieu du supplice, elle s'inclina devant la statue de la
liberte en s'ecriant: _O liberte! que de crimes on commet en ton nom!_ Elle
subit ensuite la mort avec un courage inebranlable (10 novembre). Ainsi
perit cette femme charmante et courageuse, qui meritait de partager la
destinee de ses amis, mais qui, plus modeste et plus soumise au role passif
de son sexe, aurait, non pas evite la mort, due a ses talens et a ses
vertus, mais epargne a son epoux et a elle-meme des ridicules et des
calomnies.
[Illustration: MME. ROLAND.]
Son epoux s'etait refugie du cote de Rouen. En apprenant sa fin tragique,
il ne voulut pas lui survivre. Il quitta la maison hospitaliere ou il avait
recu un asile; et, pour ne compromettre aucun ami, il vint se donner la
mort sur la grande route. On le trouva perce au coeur d'une epee, et gisant
au pied d'un arbre contre lequel il avait appuye l'arme me
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