rg, leur premiere prison; madame Roland, qui, apres avoir
fait evader son mari, s'etait laisse enfermer sans songer a fuir; les
jeunes Riouffe, Girey-Dupre, Bois-Guion, attaches a la cause des deputes
proscrits, et traduits de Bordeaux a Paris pour y etre juges conjointement
avec eux; Bailly, qu'on avait arrete a Melun; l'ex-ministre des finances
Clavieres, qui n'avait pas reussi a s'enfuir comme Lebrun; le duc
d'Orleans, transfere des prisons de Marseille dans celles de Paris; les
generaux Houchard, Brunet, tous reserves au meme sort; et enfin
l'infortunee Marie-Antoinette, qui etait destinee a devancer a l'echafaud
ces illustres victimes. La, on ne songeait pas meme a se procurer les
commodites qui adoucissaient le sort des detenus dans les autres prisons.
On habitait de sombres et de tristes reduits, ou ne penetraient ni la
lumiere, ni les consolations, ni les plaisirs. A peine les prisonniers
jouissaient-ils du privilege d'etre couches sur des lits, au lieu de l'etre
sur la paille. Ne pouvant se distraire du spectacle de la mort comme les
simples suspects, qui esperaient n'etre que detenus jusqu'a la paix, ils
tachaient de s'en amuser, et faisaient du tribunal revolutionnaire et de la
guillotine les plus etranges parodies. Les girondins, dans leur prison,
improvisaient et jouaient des drames singuliers et terribles, dont leur
destinee et la revolution etaient le sujet. C'est a minuit, lorsque tous
les geoliers reposaient; qu'ils commencaient ces divertissemens lugubres.
Voici l'un de ceux qu'ils avaient imagines. Assis chacun sur un lit, ils
figuraient et les juges et les jures du tribunal revolutionnaire, et
Fouquier-Tinville lui-meme. Deux d'entre eux, places vis-a-vis,
representaient l'accuse avec son defenseur. Suivant l'usage du sanglant
tribunal, l'accuse etait toujours condamne. Etendu aussitot sur une planche
de lit que l'on renversait, il subissait le simulacre du supplice jusque
dans ses moindres details. Apres beaucoup d'executions, l'accusateur
devenait accuse, et succombait a son tour. Revenant alors couvert d'un drap
de lit, il peignait les tortures qu'il endurait aux enfers, prophetisait
leur destinee a tous ces juges iniques, et, s'emparant d'eux avec des cris
lamentables, il les entrainait dans les abimes.... "C'est ainsi, dit
Riouffe, que nous badinions dans le sein de la mort, et que dans nos jeux
prophetiques nous disions la verite au milieu des espions et des
bourreaux."
Depuis la mort de Custin
|