ire comparaitre, l'amiral
d'Estaing, ancien commandant de la garde nationale de Versailles,
l'ex-procureur de la commune Manuel, Latour-du-Pin, ministre de la guerre
en 1789, le venerable Bailly, qui, disait-on, avait ete, avec Lafayette,
complice du voyage a Varennes; enfin Valaze, l'un des girondins destines a
l'echafaud.
Aucun fait precis ne fut articule. Les uns avaient vu la reine joyeuse
lorsque les gardes-du-corps lui temoignaient leur devouement; les autres
l'avaient vue triste et courroucee lorsqu'on la conduisait a Paris, ou
lorsqu'on la ramenait de Varennes; ceux-ci avaient assiste a des fetes
splendides qui devaient couter des sommes enormes; ceux-la avaient entendu
dire dans les bureaux ministeriels que la reine s'opposait a la sanction
des decrets. Une ancienne femme de service a la cour avait, en 1788, oui
dire au duc de Coigny que l'empereur avait deja recu deux cents millions de
la France pour faire la guerre aux Turcs.
Le cynique Hebert, amene devant l'infortunee reine, osa enfin apporter les
accusations arrachees au jeune prince. Il dit que Charles Capet avait
raconte a Simon le voyage a Varennes, et designe Lafayette et Bailly comme
en etant les cooperateurs. Puis il ajouta que cet enfant avait des vices
funestes et bien prematures pour son age; que Simon, l'ayant surpris et
l'ayant interroge, avait appris qu'il tenait de sa mere les vices auxquels
il se livrait. Hebert ajouta que Marie-Antoinette voulait sans doute, en
affaiblissant de bonne heure la constitution physique de son fils,
s'assurer le moyen de le dominer, s'il remontait sur le trone.
Les bruits echappes d'une cour mechante, pendant vingt annees, avaient
donne au peuple l'opinion la plus defavorable des moeurs de la reine.
Cependant cet auditoire tout jacobin fut revolte des accusations d'Hebert.
Celui-ci n'en persista pas moins a les soutenir. Cette mere infortunee ne
repondait pas; pressee de nouveau de s'expliquer, elle dit avec une emotion
extraordinaire: "Je croyais que la nature me dispenserait de repondre a une
telle imputation; mais j'en appelle au coeur de toutes les meres ici
presentes." Cette reponse si noble et si simple remua tous les assistans.
Cependant tout ne fut pas aussi amer pour Marie-Antoinette dans les
depositions des temoins. Le brave d'Estaing, dont elle avait ete l'ennemie,
refusa de rien dire a sa charge, et ne parla que du courage qu'elle montra
les 5 et 6 octobre, de la noble resolution qu'elle exprima de
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