e, on commencait a s'habituer a ces proces
politiques, ou de simples torts d'opinion etaient transformes en crimes
dignes de mort. On s'accoutumait, par une sanglante pratique, a chasser
tous les scrupules, et a regarder comme naturel d'envoyer a l'echafaud tout
membre d'un parti contraire. Les cordeliers et les jacobins avaient fait
decreter la mise en jugement de la reine, des girondins, de plusieurs
generaux et du duc d'Orleans. Ils exigeaient imperieusement qu'on leur tint
parole, et c'est surtout par la reine qu'ils voulaient commencer cette
longue suite d'immolations. Il semble qu'une femme aurait du desarmer les
fureurs politiques; mais on portait plus de haine encore a Marie-Antoinette
qu'a Louis XVI. C'est a elle qu'on reprochait les trahisons de la cour, les
dilapidations du tresor, et surtout la guerre acharnee de l'Autriche. Louis
XVI, disait-on, avait tout laisse faire; mais Marie-Antoinette avait tout
fait, et c'est sur elle qu'il fallait tout punir.
Deja on a vu quelles reformes avaient ete faites au Temple.
Marie-Antoinette avait ete separee de sa soeur, de sa fille et de son fils.
En vertu du decret qui ordonnait le jugement ou la deportation des derniers
membres de la famille des Bourbons, on l'avait transferee a la
Conciergerie; et la, seule, dans une prison etroite, elle etait reduite au
plus strict necessaire comme tous les autres prisonniers. L'imprudence d'un
ami devoue rendit sa situation encore plus penible. Un membre de la
municipalite, Michonnis, auquel elle inspirait un vif interet, voulut
introduire aupres d'elle un individu qui voulait, disait-il, la voir par
curiosite. Cet individu etait un emigre courageux, mais imprudent, qui lui
jeta un oeillet renfermant ces mots ecrits sur un papier tres-fin: _Vos
amis sont prets_. Esperance fausse, et aussi dangereuse pour celle qui la
recevait que pour celui qui la donnait! Michonnis et l'emigre furent
decouverts et arretes sur-le-champ; la surveillance exercee a l'egard de
l'infortunee prisonniere devint des ce jour encore plus rigoureuse. Des
gendarmes devaient etre sans cesse de garde a la porte de sa prison, et il
leur etait expressement defendu de repondre a aucune de ses paroles.
Le miserable Hebert, substitut de Chaumette, et redacteur de la degoutante
feuille du _Pere Duchene_, l'ecrivain du parti dont Vincent, Ronsin,
Varlet, Leclerc, etaient chefs, Hebert s'etait particulierement attache a
tourmenter les restes infortunes de la famille de
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