les
personnalites les plus "considerables". J'ai entendu dire aussi que
lord Cromer manifesta tout haut, et plus d'une fois, qu'il
desapprouvait la campagne menee en Angleterre contre l'Etat du Congo
par les missionnaires baptistes. Mais l'un n'empeche pas l'autre,
evidemment.
La tache de son successeur, M. Gorst, venant apres un politique
d'aussi grande envergure, est malaisee. On lui fait credit. On
l'attend a l'oeuvre. Je l'ai vu, le samedi 21 decembre, a la fete du
Tapis Sacre. Fete coloree, pittoresque, regal de choix pour nos yeux
d'Occidentaux. Il faudrait, pour la decrire, du temps et des
pinceaux. Mais, helas!
Ce jour-la, le Tapis Sacre prenait, a dos de chameau, le chemin de
La Mecque. Il est destine a orner le tombeau de Mahomet. Le Caire en
envoie un tous les quatre ou cinq ans. Il part en grande pompe,
apres une ceremonie officielle, a la fois religieuse, civile et
militaire. Le khedive la preside, l'armee y participe, on y voit la
gravite des imans et l'hysterie des derviches; cinquante mille
badauds s'assemblent sur l'esplanade ou le cortege se deroule. Robes
de toutes les couleurs, rouge ecarlate et rouge brun des fez, femmes
voilees; fantassins en khaki, "chasseurs" en tunique bleue,
baudriers blancs et oriflammes des lanciers, artillerie de montagne,
les canons attaches sur le dos des mulets; mendiants, camelots et
porteurs d'eau; ciel du plus magnifique azur; couleurs melees et
chatoyantes: vous voyez d'ici le tableau. Autour de notre voiture,
des dames de harems, en voiture aussi, tout en noir, et voilees de
mousseline blanche, babillent et font des graces. Celle-ci, qui
porte un domino rose sous son manteau, nous regarde en souriant.
Elle a les yeux tres jeunes. Julius Hoste croit fermement que c'est
pour lui qu'ils sourient ... Dix heures juste. L'escorte du khedive
accourt au grand galop. Son Altesse--trente-trois ans, tres bel
homme--est a dix pas de nous. Pas un vivat, pas un cri. Les musiques
militaires recommencent a jouer; le canon tonne; le tapis s'avance,
etale sur une pyramide portee par un dromadaire, lequel est suivi de
sept autres, tous magnifiquement harnaches. Sur leur dos, des hommes
et des enfants, assis a l'orientale, jouent de la flute ou frappent,
en cadence, sur des tambourins.
C'est dans ce cadre que m'est apparu M. Gorst, consul general
d'Angleterre et souverain veritable du pays. Il etait en redingote
grise et coiffe d'un haut de forme gris clair. Nous avons, Dieu
m
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