ygmees en comparaison de ces geants. On mettrait le
Colisee dans un petit coin de Karnak. "Batissons une tour qui
s'eleve jusqu'aux cieux", se disaient les constructeurs de Babel,
soucieux uniquement d'etonner, par un monument demesure, la
posterite et le ciel meme. Il semble que les constructeurs egyptiens
n'aient pas eu d'autre ideal.
Voila quarante siecles que leurs temples souffrent des injures du
temps et de la fureur des hommes. Ceux de Thebes furent ravages et
pilles, au VIIe siecle avant notre ere, par les Assyriens, au VIe
par les Perses. Ptolemee Latyre, vers 114, detruisit la ville de
fond en comble. On montre encore, a Karnak, dans le temple d'Amon,
quelques-uns des boulets de pierre lances par ses machines. Le
tremblement de terre de l'an 27 avant Jesus-Christ, qui fit tant de
ruines en Orient, cribla les edifices thebains de blessures
mortelles. Quand le christianisme vainqueur eut transforme en
chapelles les sanctuaires d'Amon, les effigies des dieux disparurent
sous un epais badigeon. Apres les edits de Theodose, des milliers de
statues perirent sous le marteau, l'empereur voulant donner le coup
de grace, en detruisant les idoles, aux cultes monstrueux et impurs
du paganisme agonisant. Des lors, c'en est fait, et pour toujours,
de la splendeur, de la vie meme de Thebes. Les chacals roderent sans
crainte dans la ville, depeuplee et croulante. Dans la solitude et
le silence, ses pierres vont tomber une a une, comme, dans nos
forets occidentales, les branches dessechees des arbres morts. Les
arbustes et les fleurs continueront de degrader les ruines en
achevant, d'une verdoyante parure, leur touchante et melancolique
beaute.
Louqsor est une des "curiosites" de l'univers. Il suffit de
s'abandonner un moment a l'imagination pour animer et faire vivre ce
magnifique squelette. En 1883, il etait encombre de petites maisons
arabes. Une mosquee, construite dans l'enceinte, sur le sol exhausse
par les apports seculaires, domine encore le grand pylone. Il y a
vingt-cinq ans, les colonnes plongeaient dans un lit de terre epais
de six metres au moins, quand M. Maspero entreprit de rendre a
l'edifice, dans la mesure du possible, sa forme et son aspect. Elles
defilent aujourd'hui, face au Nil, toutes droites, et hautes de
dix-huit metres, comme un bataillon de geants ranges pour une revue.
L'edifice developpait, du nord au sud, un rectangle long de cinq
cents metres environ. Un seul obelisque, sur le seuil du pylon
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