n forme de pyramide
quadrangulaire tronquee, s'espacaient, separes par des cours, depuis
le seuil jusqu'au sanctuaire du Grand Temple, coeur de toute la
ville, et qui formait un rectangle de mille metres environ sur cent
vingt, largeur du pylone principal. Au dela de la premiere cour
s'alignaient, en rangs serres, sur trois nefs, pour composer une
formidable et tenebreuse foret, les cent trente-quatre colonnes de
la salle hypostyle. Quinze metres les moins hautes, celles des
bas-cotes; vingt-trois metres les autres, qui supportaient la nef
centrale. Sur les chapiteaux de celles-ci, qui ont quinze metres de
tour, cinquante personnes pourraient s'asseoir a l'aise. Nulle part
mieux qu'ici l'Egypte ancienne ne donne sa mesure.
Toute devastee qu'elle est, la foret fait encore grande figure.
Apres les ouragans, les assauts et les sacs, deux mille ans
d'abandon n'ont pu venir a bout de ses geants. La moitie environ
restent debout, dores par l'ardente lumiere, griffes d'hieroglyphes
et revetus, du haut en bas de leurs enormes troncs, de reliefs jadis
enlumines. Au sommet, sous l'abri des chapiteaux, des bribes de
couleurs vives achevent de s'effacer. M. Legrain travaille
passionnement a replanter les colonnes deracinees. Il faut chercher
patiemment les morceaux, un a un, dans le fouillis des decombres,
puis les classer et les reunir d'apres les inscriptions. Quand
l'oeuvre du savant est finie, quand tous les debris d'une meme
colonne se trouvent rassembles, la besogne des macons commence. M.
Legrain commande a trois cents ouvriers, hommes et enfants, recrutes
parmi les fellahs du voisinage. Voila une colonne qui s'eleve sous
l'effort d'une equipe. Un terrassement, qui monte en meme temps
qu'elle, fait fonction de plan incline; deux rails sont poses
dessus; les blocs, ranges sur un chariot, avancent peniblement, au
gre d'une trentaine de moricauds atteles par une longue corde. Quand
la colonne sera achevee, on detruira le terrassement. Et de meme
pour chacune. Ainsi besognaient deja, il y a quatre mille ans, sous
le baton de leurs chefs d'escouade, les ancetres de cette plebe en
guenilles, les innombrables esclaves qui batirent, par le seul
effort de leurs muscles serviles, pour realiser le reve fantastique
des Pharaons, les temples et les palais de Karnak. Memes pierres
tendres et dorees, memes outils rudimentaires, memes procedes
simplistes. La meme tache, apres quatre mille ans, recommence sous
le meme ciel. Une seule diff
|