fut longtemps, contre la brutalite de l'oppresseur, leur unique
bouclier. "Une race ne se depouille pas en un jour d'une habitude
seculaire", me disait en souriant, a ce propos, un jeune copte. Il y
a, au Caire, deux ou trois journaux coptes, rediges et imprimes en
arabe. J'y ai rencontre des hommes aimables, intelligents, resolus,
parlant tous le francais et qui aiment passionnement leur pays. Leur
patriotisme n'a rien de commun avec le nationalisme tapageur dont je
parlais tout a l'heure. Dans leurs journaux, je n'ai pas vu
d'agressions contre l'Angleterre. Tous ceux avec qui j'ai pu
causer, soit sur la terrasse du _Shephard's_, ou nous etions assis
comme au spectacle, toutes les scenes colorees de la vie orientale
defilant sous nos yeux, soit dans les cafes arabes, en fumant le
narghile, ou les feuilles odorantes gresillaient sous les charbons
ardents--tous les Coptes avec qui j'ai cause de l'avenir de l'Egypte
attendent son affranchissement de leur force grandissante et de la
sagesse future de l'Angleterre "qui finira bien par comprendre,
disent-ils, quand nous serons assez forts pour le lui faire
comprendre, son veritable interet, le notre, et par les mettre
d'accord".
Ils ajoutaient: "Nous sommes un peu plus d'un million sur douze
millions d'Egyptiens; au point de vue de la culture intellectuelle,
nous l'emportons, et de beaucoup, sur la majorite musulmane; nous
possedons la moitie de la fortune publique; si nous etions seulement
trois millions, l'Angleterre pourrait s'en remettre a nous du soin
de gouverner le pays, d'y maintenir l'ordre et d'y developper la
civilisation. Car il faudra que l'Angleterre, un jour ou l'autre,
desserre les liens de l'Egypte. Ceux qui revent d'une separation
absolue sont des fous. Quant a nous, nous ne l'esperons ni ne la
souhaitons. Ceux qui parlent au peuple, a mots couverts, de revolte
et d'insurrection, sont des criminels. Nous croyons, nous, que son
interet commandera un jour a l'Angleterre d'accorder a l'Egypte ce
qu'elle a accorde au Canada. Une telle autonomie suffirait a notre
dignite; elle assurerait le progres de notre nation; et la route des
Indes anglaises serait aussi bien gardee qu'aujourd'hui." Telles
sont les esperances des Coptes, parmi lesquels on citerait
facilement des hommes capables de soutenir la comparaison, pour
l'intelligence et la culture, avec les plus brillantes
individualites de nos classes dirigeantes. D'aucuns acceptent d'un
coeur tranquille l'event
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