eme flot limoneux du meme
fleuve; meme rose tendre des montagnes. Il ne faut qu'un leger
effort a l'imagination la plus pauvre pour evoquer les spectacles de
la vie thebaine par exemple. Du haut du pylone de Karnak, M.
Kaekebroeck lui-meme verrait surgir des processions de pretres, des
parades militaires, des chars courir entre les sphinx de la voie
triomphale, et le Pharaon troner parmi ses gardes, ses eunuques et
ses chasse-mouches. Mais l'ame de la vieille Egypte est encore, pour
nous, un livre ferme. Sur sa sensibilite, sa facon de concevoir
l'enigme du monde, sur sa vie interieure, nous n'avons que des
lueurs tremblotantes. Un homme un peu averti suit assez facilement,
dans l'histoire grecque ou romaine, la courbe des idees morales et
la sensibilite artistique. De l'ame farouche de la petite nation
juive, qui ne batit qu'un seul temple, duquel il n'est pas reste
pierre sur pierre, les fremissements sont venus jusqu'a nous. Rien
de pareil pour l'ame de l'ancienne Egypte. Il faut se contenter d'y
epeler peniblement quelques mots.
Il est certain que la civilisation egyptienne est une des plus
imposantes, des plus grandioses que le monde ait connues. Art,
religion, droit, legislation, force guerriere et conquerante: rien
ne lui manqua de ce qui assure aux peuples la force, l'eclat et la
duree. Cela, nous le savons. Nous ne savons rien de plus. Quant a
son origine, le probleme n'est pas pres d'etre resolu. La
civilisation egyptienne est-elle fille ou mere de la civilisation
chaldeenne? M. Legrain et M. de Morgan, a Karnak, nous disaient
qu'il se pose aujourd'hui dans ces termes. D'autres se demandent si
elles ne seraient pas toutes les deux des rameaux d'un tronc plus
ancien et encore inconnu.
LE DERNIER JOUR
Par une radieuse matinee qui rappelait la pimpante allegresse de
notre mois de mai, nous sommes alles voir la necropole de Saqqarah.
On enfourche les anes a la gare de Bedrechein, ou arrive du Caire,
en une petite heure, un lent train de banlieue. Julius trone sur
l'unique siege d'un _sandcar_, haute et legere voiture aux essieux
evases: le conducteur trotte a cote du cheval. Un troupeau de
moutons noirs s'affole devant notre cortege; sur la berge d'un
canal, des pecheurs vident leurs nasses; la moisson naissante
deploie un tapis d'emeraude sur le limon de la plaine. Derriere le
mince rideau de la "foret des palmiers" fuit l'ocean moutonne du
desert. O futaies de nos grands bois, ruisselantes de fle
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