ualite de travailler, toute leur vie,
silencieusement et sans gloire, a preparer l'emancipation de
l'Egypte, resignes, s'il le faut, a ne la voir jamais, dans
l'espoir, suffisant pour entretenir leur flamme, que leurs enfants
recueilleront le fruit de leur labeur.
Malheureusement, le schisme et l'heresie, sans qu'ils s'en rendent
bien compte, les privent d'un levier dont ils ne soupconnent meme
pas la puissance. Douze cent mille autochtones catholiques, avec de
vrais pretres, de vrais eveques, de vrais moines, instruits,
disciplines et chastes: il n'y a guere de chaines qui tiendraient
longtemps contre cette force. L'affranchissement de l'Orient en
general et de l'Egypte en particulier est avant tout une question
religieuse. Il faudrait qu'une vague de christianisme balayat au
prealable, de cette terre merveilleuse, la lepre, le chancre de
l'islam. Or, la foi de l'heresie et du schisme est privee de toute
vertu conquerante. C'est un mince filet detourne du grand fleuve et
incapable de deborder hors de son lit etroit. Le christianisme
inonde notre Occident comme le Nil sa vallee. De ses sources
innombrables et bouillonnantes, coule un flot qui ne tarit jamais.
Il entretient perpetuellement la charite, la chastete, la liberte. A
peine reste-t-il en Egypte quelques oasis chretiennes, les unes
verdoyantes, les autres a demi dessechees, toutes perdues dans
l'immense desert ...
En lisant que la religion de Mahomet est la lepre et le chancre de
l'Egypte, M. Homais va crier au scandale. Je l'entends d'ici:
"Toutes les religions sont respectables, ainsi que toutes les
croyances sinceres; et la saine morale n'est pas l'apanage exclusif
de la religion de Jesus-Christ" ...
Certainement, Homais, toutes les croyances sont respectables. Quand
je regardais, au Caire, dans la cour d'une maison arabe ou
sautillaient deux corneilles mantelees, un vieux domestique en
priere, agenouille sur les dalles, les yeux tournes vers La Mecque
et insensible a tous les bruits de la rue; quand mon ami
Abd-El-Rahim, que je vous recommande, si vous allez au Caire, pour
sa probite et sa discretion, me disait: "Des que j'aurai economise
mille francs, j'irai en pelerinage a La Mecque", je n'avais pas
envie de rire. Un domestique qui croit en Dieu et qui le prie me
parait superieur a un bourgeois qui se refuse a voir le Createur a
travers les etoiles, ce bourgeois fut-il diplome, conseiller
communal ou representant du peuple. Mais il ne s'agit pas de
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