e volonte qui perdent les meilleures annees de l'amour a se poser, au
sujet de leur avenir sentimental, des questions de ce genre.
Au reste, dans l'empire du destin, c'est autour de l'image de l'amour que
se pressent la plupart des plaintes, des regrets, des attentes oisives, des
craintes vaniteuses, des esperances disproportionnees. Il y a beaucoup
d'orgueil, beaucoup de fausse poesie et beaucoup de mensonges au fond de
tout ceci. En general, c'est parmi les ames qui ont fait le moins d'efforts
pour se comprendre que l'on trouve le plus d'ames incomprises. En general,
c'est l'ideal le plus debile, le plus etroit et le plus arbitraire qui se
nourrit le plus abondamment d'apprehensions, de deceptions, d'exigences et
de petits mepris. Nous craignons surtout que l'on froisse ou que l'on
meconnaisse les vertus, les pensees, les qualites et les beautes morales
que nous ne possedons encore qu'en imagination. Il en est des merites de ce
genre comme des biens materiels, l'espoir s'attache le plus obstinement a
ceux qu'on n'aura probablement jamais la force d'acquerir. Ainsi, le fourbe
qui medite de se corriger est assez etonne qu'on ne rende pas a la loyaute
qui s'eveille un moment dans son coeur, un hommage immediat et
extraordinaire. Mais quand nous sommes reellement purs, desinteresses et
sinceres, quand nos pensees s'elevent habituellement et simplement
au-dessus de la vanite ou de l'egoisme instinctif, nous nous soucions
beaucoup moins que ceux qui sont autour de nous nous approuvent, nous
comprennent, nous admirent. Epictete, Marc-Aurele, Antonin le Pieux, ne se
sont jamais plaints de n'etre pas compris. Ils ne pensaient pas avoir en
eux quelque chose d'inoui ou d'incomprehensible. Au contraire, ils
croyaient que le meilleur de leur vertu se trouvait tout juste dans ce que
tous pouvaient admettre sans effort. Ce que l'on meconnait, non sans
raison; car il y a presque toujours une raison superieure dans l'inertie
generale d'un sentiment; ce que l'on meconnait, ce sont les vertus
maladives auxquelles nous attachons trop d'importance, et toute vertu est
maladive a laquelle nous attachons une grande importance et pour laquelle
nous exigeons une attention respectueuse. Une vertu maladive est souvent
plus funeste qu'un vice bien portant; en tout cas, elle s'eloigne davantage
de la verite, et il n'y a rien a esperer loin de la verite. A mesure que
notre ideal s'ameliore, il admet un plus grand nombre de realites; a mesure
que not
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