x-memes par la porte du bonheur sont mille fois plus libres que ceux
qui sortent par celle de la tristesse. La joie du sage eclaire en meme
temps son coeur et toute son ame, au lieu que la tristesse n'eclaire bien
souvent que le coeur. L'homme qui n'a pas ete heureux ressemble un peu au
voyageur qui n'aurait jamais voyage que de nuit.
Et puis, on trouve dans le bonheur une humilite plus profonde et plus
noble, plus pure et bien plus etendue que celle qu'on trouve dans le
malheur. Il y a une humilite que l'on doit mettre au nombre des vertus
parasites, avec l'abnegation sterile, la pudeur, la chastete arbitraire, le
renoncement aveugle, la soumission obscure, l'esprit de penitence et tant
d'autres, qui detournerent si longtemps au profit d'un etang endormi,
autour duquel tous nos souvenirs errent encore, les eaux vives de la morale
humaine. Je ne parle pas d'une humilite basse, qui n'est trop souvent qu'un
calcul, ou, a prendre les choses au mieux, une timidite de l'orgueil et une
sorte de pret usuraire que la vanite d'aujourd'hui consent a la vanite de
demain. Mais le sage lui-meme s'imagine parfois qu'il est salutaire de se
diminuer un peu a ses propres yeux, et de ne pas s'avouer les merites qu'il
a souvent le droit de se reconnaitre lorsqu'il se compare a d'autres
hommes. Une telle humilite, bien qu'elle soit sincere, enleve a notre
loyaute intime, qu'il faut toujours respecter par-dessus tout, ce qu'elle
peut ajouter a la douceur de notre attitude dans la vie. En tout cas, elle
decele une certaine timidite de conscience, et la conscience du sage ne
doit avoir aucune pudeur, aucune timidite.
Mais, a cote de cette humilite trop personnelle, existe une humilite
generale, une humilite haute et ferme qui se nourrit de tout ce
qu'apprennent notre esprit, notre ame et notre coeur. Une humilite qui nous
montre exactement ce que l'homme peut attendre et esperer, une humilite qui
ne nous diminue que pour rendre plus grand tout ce que nous voyons, une
humilite qui nous enseigne que l'importance de l'homme ne se trouve pas
dans ce qu'il est, mais dans ce qu'il peut apercevoir, dans ce qu'il tache
d'admettre et de comprendre. Il est vrai que la douleur nous ouvre aussi le
domaine de cette humilite, mais elle ne le fait guere que pour nous
conduire trop directement a je ne sais quelle porte d'esperance, sur le
seuil de laquelle nous perdons bien des jours; au lieu que le bonheur,
n'ayant pas autre chose a faire au bout de quelqu
|