, a l'apogee de sa gloire, ce monarque
tout-puissant mit fin a tout scandale et mena jusqu'a sa mort une vie
privee irreprochable au milieu de tant de seductions, on ne peut
s'empecher de rendre hommage a un pareil triomphe de la priere et du
sentiment religieux.
La conscience de la dignite royale, qu'on lui a reprochee comme exageree,
n'etait pas chez lui un orgueil coupable et incompatible avec le respect
de la Divinite. Croyant a l'autel et au trone, il avait foi d'abord en
Dieu, puis en lui-meme, oint du Seigneur. Son ideal, c'etait le ciel, et,
au-dessous du ciel, la royaute;--la royaute representant le droit de la
force et la force du droit, la royaute majestueuse, tutelaire, repandant,
comme le soleil, sur les pauvres et les riches, sur les petits et les
grands, la splendeur et les bienfaits de ses rayons. Louis XIV se mesurait
lui-meme avec une haute justice. Autant il se trouvait grand devant les
hommes, autant il se trouvait petit devant Dieu. Mieux qu'aucun autre, il
aurait pu s'appliquer ce vers de Corneille:
Pour etre plus qu'un roi, te crois-tu quelque chose?
Le souverain qui aurait defie tous les monarques reunis s'agenouillait
humblement devant un pretre obscur. Le digne heritier de Charlemagne
demandait pardon de ses fautes au fils d'un paysan. C'est ce melange
d'humilite chretienne et de fierte royale qui donne a la physionomie de
Louis XIV un caractere si imposant. Les sentiments religieux que sa mere
lui avait inculques des le berceau lui revenaient sans cesse a l'esprit,
meme dans ses plus regrettables ecarts. Quand il etait enfant, cette mere
passionnee s'agenouillait devant lui, en s'ecriant avec transport: "Je
voudrais le respecter autant que je l'aime," cette exclamation n'etait pas
une flatterie banale. C'etait, pour ainsi dire, un acte de foi dans le
principe de la royaute.
Les premieres impressions de l'enfant ne firent que se fortifier dans
l'homme. Il y eut toujours en lui du souverain et du pontife. Ame de
l'Etat, source de toute grace, de toute justice, de toute gloire, il se
considerait comme le lieutenant de Dieu sur la terre, et c'est en cette
qualite qu'il avait pour lui-meme une sorte de veneration dans laquelle
les grands predicateurs eux-memes ne faisaient que l'affermir. Les idees
gouvernementales de Bossuet sont le commentaire de cette foi politique,
associee intimement a la foi religieuse dont elle est le corollaire. Pour
le grand eveque comme pour le grand roi, la royaut
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