ne sera pas a travers les siecles que le champ
d'une seule bataille. S'il a ete champ de bataille, c'est qu'il
reunissait certaines conditions de situation geographique, de nature
geologique, de defauts meme propres a gener l'adversaire (un fleuve, par
exemple, le coupant en deux) qui en ont fait un bon champ de bataille.
Donc il l'a ete, il le sera. On ne fait pas un atelier de peinture avec
n'importe quelle chambre, on ne fait pas un champ de bataille avec
n'importe quel endroit. Il y a des lieux predestines. Mais encore une
fois, ce n'est pas de cela que je parlais, mais du type de bataille
qu'on imite, d'une espece de decalque strategique, de pastiche tactique,
si tu veux: la bataille d'Ulm, de Lodi, de Leipzig, de Cannes. Je ne
sais s'il y aura encore des guerres ni entre quels peuples; mais s'il y
en a, sois sur qu'il y aura (et sciemment de la part du chef) un Cannes,
un Austerlitz, un Rosbach, un Waterloo, sans parler des autres,
quelques-uns ne se genent pas pour le dire. Le marechal von Schieffer et
le general de Falkenhausen ont d'avance prepare contre la France une
bataille de Cannes, genre Annibal, avec fixation de l'adversaire sur
tout le front et avance par les deux ailes, surtout par la droite en
Belgique, tandis que Bernhardi prefere l'ordre oblique de Frederic le
Grand, Leuthen plutot que Cannes. D'autres exposent moins crument leurs
vues, mais je te garantis bien, mon vieux, que Beauconseil, ce chef
d'escadron a qui je t'ai presente l'autre jour et qui est un officier du
plus grand avenir, a potasse sa petite attaque du Pratzen, la connait
dans les coins, la tient en reserve et que si jamais il a l'occasion de
l'executer, il ne ratera pas le coup et nous la servira dans les grandes
largeurs. L'enfoncement du centre a Rivoli, va, ca se refera s'il y a
encore des guerres. Ce n'est pas plus perime que _l'Iliade_. J'ajoute
qu'on est presque condamne aux attaques frontales parce qu'on ne veut
pas retomber dans l'erreur de 70, mais faire de l'offensive, rien que de
l'offensive. La seule chose qui me trouble est que, si je ne vois que
des esprits retardataires s'opposer a cette magnifique doctrine,
pourtant un de mes plus jeunes maitres, qui est un homme de genie,
Mangin, voudrait qu'on laisse sa place, place provisoire, naturellement,
a la defensive. On est bien embarrasse de lui repondre quand il cite
comme exemple Austerlitz ou la defense n'est que le prelude de l'attaque
et de la victoire.
Ces theories
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