ne bachelier mit en doute que ce phalzard fut
en drap d'officier, mais, Breton, ne dans un village qui s'appelle
Penguern-Stereden, ayant appris le francais aussi difficilement que s'il
eut ete Anglais ou Allemand, quand il se sentait possede par une
emotion, il disait deux ou trois fois "monsieur" pour se donner le temps
de trouver ses paroles, puis apres cette preparation il se livrait a son
eloquence, se contentant de repeter quelques mots qu'il connaissait
mieux que les autres, mais sans hate, en prenant ses precautions contre
son manque d'habitude de la prononciation.
--Ah! c'est du drap comme ca? reprit-il, avec une colere dont
s'accroissaient progressivement l'intensite et la lenteur de son debit.
Ah! c'est du drap comme ca? quand je te dis que c'est du drap
d'officier, quand je-te-le-dis, puisque je-te-le-dis, c'est que je le
sais, je pense.
--Ah! alors, dit le jeune bachelier vaincu par cette argumentation.
C'est pas a nous qu'il faut faire des boniments a la noix de coco.
--Tiens, v'la justement le capiston qui passe. Non, mais regarde un peu
Saint-Loup; c'est ce coup de lancer la jambe; et puis sa tete. Dirait-on
un sous-off? Et le monocle; ah! il va un peu partout.
Je demandai a ces soldats que ma presence ne troublait pas a regarder
aussi par la fenetre. Ils ne m'en empecherent pas, ni ne se
derangerent. Je vis le capitaine de Borodino passer majestueusement en
faisant trotter son cheval, et semblant avoir l'illusion qu'il se
trouvait a la bataille d'Austerlitz. Quelques passants etaient assembles
devant la grille du quartier pour voir le regiment sortir. Droit sur son
cheval, le visage un peu gras, les joues d'une plenitude imperiale,
l'oeil lucide, le Prince devait etre le jouet de quelque hallucination
comme je l'etais moi-meme chaque fois qu'apres le passage du tramway le
silence qui suivait son roulement me semblait parcouru et strie par une
vague palpitation musicale. J'etais desole de ne pas avoir dit adieu a
Saint-Loup, mais je partis tout de meme, car mon seul souci etait de
retourner aupres de ma grand'mere: jusqu'a ce jour, dans cette petite
ville, quand je pensais a ce que ma grand-mere faisait seule, je me la
representais telle qu'elle etait avec moi, mais en me supprimant, sans
tenir compte des effets sur elle de cette suppression; maintenant,
j'avais a me delivrer au plus vite, dans ses bras, du fantome,
insoupconne jusqu'alors et soudain evoque par sa voix, d'une grand'mere
reellemen
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