guere de ce
qui occupe la societe; les petits evenements le touchent peu; il ne
prend garde a rien, a personne, pas meme a lui. Souvent, n'ayant rien
vu, rien entendu, il est a propos: souvent aussi il dit de bonnes
naivetes; mais il est toujours agreable...
[Note 23: On peut voir a ce sujet les agreables Memoires de Garat sur
Suart, t. I, p. 325, 355, 362, etc.]
[Note 24: Grimm, Correspondance, mai 1782.]
[Note 25: Illusion du gout d'alors. Pour nous, les oeuvres, la vie et
la personne du poete sont devenues ressemblantes.]
"Sa figure,... une petite fille disait qu'elle etait tout en zigzag.
Les femmes ne remarquent jamais ce qu'elle est, et toujours ce qu'elle
exprime; elle est vraiment laide, mais bien plus curieuse, je dirais
meme interessante. Il a une grande bouche, mais elle dit de beaux vers.
Ses yeux sont un peu gris, un peu enfonces; il en fait tout ce qu'il
veut, et la mobilite de ses traits donne si rapidement a sa physionomie
un air de sentiment, de noblesse et de folie, qu'elle ne lui laisse pas
le temps de paraitre laide. Il s'en occupe, mais seulement comme de tout
ce qui est bizarre et peut le faire rire; aussi le soin qu'il en prend
est-il toujours en contraste avec les occasions: on l'a vu se presenter
en frac chez une duchesse, et courir les bois, a cheval, en manteau
court.
"Son ame a quinze ans, aussi est-elle facile a connaitre; elle est
caressante, elle a vingt mouvements a la fois, et cependant elle n'est
point inquiete. Elle ne se perd jamais dans l'avenir et a encore moins
besoin du passe. Sensible a l'exces, sensible a tous les instants, il
peut etre attaque de toutes les manieres; mais il ne peut jamais etre
vaincu..... Votre conversation l'attache, il est vrai; mais il passe
aussi fort bien deux heures a caresser son cheval, que pourtant il
oublie aussi quelquefois, ou bien a s'egarer dans les bois ou, quand il
n'a pas peur, il reve a la lune, a un brin d'herbe, ou, pour mieux dire,
a ses reveries." Elle conclut en disant: "C'est le poete de Platon, un
etre sacre, leger et volage."
C'etait du moins, a coup sur, le plus aimable des causeurs et des hotes
familiers; on se l'enviait, on se l'arrachait. On l'enlevait quelquefois
pour une semaine, et il se laissait faire. On a dit de l'abbe Galiani
que c'etait un meuble indispensable a la campagne par un temps de pluie;
a plus forte raison, et en tout temps, l'abbe Delille. Madame Lebrun,
qui nous le fait connaitre a merveille, racon
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