ne fleur, etc., etc.; mais la
plus illustre de ces images, et qui qualifie le plus magnifiquement
cette partie du talent de Bernardin, est, dans _la Chaumiere_, la belle
reponse du Paria: "Le malheur ressemble a la Montagne-Noire de Bember,
aux extremites du royaume brulant de Lahore: tant que vous la montez,
vous ne voyez devant vous que de steriles rochers; mais quand vous Etes
au sommet, vous apercevez le ciel sur votre tete, et a vos pieds le
royaume de Cachemire." Cela est aussi merveilleusement trouve dans
l'ordre des sentences morales, que _Paul et Virginie_ dans l'ordre des
compositions pastorales et touchantes.
Quand Bernardin de Saint-Pierre publiait _la Chaumiere indienne_, en
91, il etait au haut de la montagne de la vie et de la gloire; il avait
aussi, en quelque sorte, son royaume de Cachemire a ses pieds. Sa
reputation etant au comble, sa vie domestique semblait d'ailleurs
s'asseoir et s'embellir par un mariage plein de promesses. Louis XVI,
qui etait, bien le roi d'un ecrivain comme Bernardin, le nommait
intendant du Jardin-des-Plantes. L'auteur d'_Anacharsis_ et Bernardin
eussent tout a fait convenu, ce semble, a orner ce qu'on appela un
moment le trone restaure et paternel. Ce moment, s'il avait pu se
prolonger, etait particulierement propice au deisme philosophique, aux
vues et aux voeux politiques du solitaire: Louis XVI pour roi, Bailly
pour maire, Bernardin de Saint-Pierre pour moraliste du fond de son
Jardin-des-Plantes; et Rabaut-Saint-Etienne pour historien, qui
proclamait, comme on sait, la Revolution close et cette constitution de
91 eternelle.
Mais le 10 aout renversait d'un coup l'edifice illusoire, et, meme avant
la Terreur, l'intendance du Jardin-des-Plantes devenait peu tenable, les
savants n'ayant pas accueilli le grand ecrivain comme aussi competent
qu'il aurait voulu[64]. Nous ne suivrons pas Bernardin dans les vingt
dernieres annees de sa vie; il ne mourut qu'en janvier 1814. Il en
est un peu de la critique comme de la nature, qui (n'en deplaise a
l'optimisme de son interprete), quand elle a obtenu des etres leur
oeuvre de jeunesse et de reproduction, les abandonne ensuite a eux-memes
et les laisse achever comme ils peuvent, tandis que jusque-la elle les
soignait avec predilection, les entourait de caresses et d'attraits.
La critique de meme, quand elle a obtenu, de l'auteur qu'elle etudie,
l'oeuvre principale et durable qu'il devait enfanter, peut le negliger
sans inconvenient da
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