rentrer le plus tard possible et a son corps defendant,
comme s'il eut boude contre son coeur. Cette bizarrerie est restee
inexpliquee. On a dit plaisamment qu'une faute de francais, un _cuir_
d'un membre du Comite de salut public qu'il rencontra, le fit s'ecrier:
"Decidement on ne peut plus habiter ce pays-ci." On a raconte non moins
plaisamment[37] que l'abbe de Cournand, alors son ami, et qui depuis crut
lui jouer un mauvais tour en retraduisant _les Georgiques_, etant de
garde aux Tuileries, reconnut le poete qui se promenait malgre sa mise
en arrestation au logis, qu'il fit mine de le vouloir reconduire chez
lui au nom de la loi, et que depuis lors Delille avait peur de la garde
nationale et de l'abbe de Cournand. Delille etait encore a la rentree
publique du College de France, le 1er frimaire an III, et y recitait des
vers. Le 15 ventose, sa presence etait accueillie aux Ecoles normales
avec des applaudissements reiteres. On a pense que la preference
accordee au poete Le Blanc pour les recompenses nationales (17 floreal
an III) l'aurait mortifie et decide au depart. Peut-etre sa gouvernante,
qui avait pris sur lui un empire absolu, esperait-elle, en le retenant a
Paris, se faire des lors epouser. Peut-etre, voyant la Revolution, sinon
close, du moins sur le retour, songeait-il, en emigrant (bien qu'un peu
tard), a se mettre en regle avec l'avenir. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on
essayait de sonder ses vrais motifs et qu'on lui parlait de revenir a
Paris, il demandait toujours si l'abbe de Cournand y etait encore. Des
qu'il y avait quelque chose de serieux, il s'en tirait volontiers ainsi,
par une plaisanterie et une gentillesse.[38]
[Note 37: M. Michaud, en tete du recueil des _Poesies_ de Delille,
1801.]
[Note 38: Quand il eut epouse sa gouvernante, il allait lui-meme
au-devant de ses souvenirs d'abbe, en plaisantant sur ce qu'il aurait
ete fait clerc, et peut-etre sous-diacre, _mais par l'eveque de Noyon_,
et l'eveque de Noyon ne faisait rien de serieux.--L'abbe Delille eut de
tout temps son abbe de Cournand attache a lui comme une puce a l'oreille
pour le harceler; il se vengeait par maint bon mot. Ils passerent leur
vie a se faire des niches. En 89, l'abbe de Cournand, tres-avance dans
la Revolution, parlait, ecrivait pour le mariage des pretres, et Delille
disait de lui, en parodiant la chanson:
Cournand pleure, Cournand crie,
Cournand veut qu'on le marie.
Et il ajoutait (ce que je cache au bas de l
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