ns le detail du reste de sa vie; il lui suffit de
terminer envers lui par quelques hommages de reconnaissance; mais les
attentions suivies et exactes, indispensables au commencement, sont
desormais superflues et deviendraient aisement fastidieuses. Il nous
serait doux pourtant, il serait pieux d'accompagner encore Bernardin de
Saint-Pierre lentement occupe de ses _Harmonies_, de le suivre un peu a
Essonne, a Eragny, dans son ermitage, et de tirer de ses lettres et de
ses derniers ecrits assez de rayons pour lui composer un soir d'idylle,
_le soir d'un beau jour_, si son biographe ne nous avait devance dans
cette tache heureuse. Nous aurions toujours eu a regretter d'ailleurs
quelques traits discordants qu'il eut fallu admettre au tableau, son
attitude maussade au sein de l'Institut, son opiniatrete contentieuse
dans d'insoutenables systemes, et plus de louanges de _notre grand
Empereur_ que nous n'en aimerions. Dans la correspondance avec Ducis,
qui forme un des endroits les plus recreants de ce declin, le bonhomme
tragique nous apparait bien superieur a son ami, par un genie franc,
cordial, une grande ame debonnaire, et une imagination quelque
peu sauvage, qui prend du pittoresque et des tons plus chauds en
vieillissant. On ferait un chapitre, en verite digne de Salomon ou du
fils de Sirach, avec tous les mots sublimes semes dans ces lettres
familieres. Le chenu vieillard a mille fois raison sur lui-meme quand il
se declare a son ami par ce naif etonnement: "Il y a dans mon clavecin
poetique des jeux de flute et de tonnerre; comment cela va-t-il
ensemble? Je n'en sais trop rien; mais cela est ainsi." Et il justifie
ce jugement tout aussitot, soit qu'il s'ecrie dans une joie grondante:
"Je ne puis vous dire combien je me trouve heureux depuis que j'ai
secoue le monde; je suis devenu avare; mon tresor est ma solitude; je
couche dessus avec un baton ferre dont je donnerais un grand coup a
quiconque voudrait m'en arracher;" ou soit qu'il parle tendrement de ces
lectures douces aupres de son feu "et des heures paisibles qui vont a
petits pas, comme son pouls et ses affections innocentes et pastorales."
Quand il ecrit de son cher ami de Balk en ces termes: "Je ne sais si M.
le comte de Balk sera encore longtemps en France; nous sommes tous
comme des vaisseaux qui se rencontrent, se donnent quelques secours,
se separent et disparaissent," il rentre exactement dans la maniere de
Bernardin. Pourquoi faut-il que Ducis n'ait eu que
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