de la vieillesse?
Oh! la vie de Corneille couronnee de cette vieillesse de Ducis! quel
magnifique ensemble, et bien harmonieux en apparence, on se plait a en
composer! Mais respectons les discernements de la nature; laissons a
chacun sa saison de beaute et sa gloire.
[Note 64: On lit dans les notes du _Memorial_ de Gouverneur Morris
(edition francaise) que, sous le coup du 10 aout, M. Terrier de
Montciel, precedemment ministre de l'interieur, s'etait refugie au
Jardin-des-Plantes chez Bernardin de Saint-Pierre, qu'il y avait fait
nommer, mais qu'il y resta peu de temps, ayant ete assez mal accueilli
par son protege, qui craignait de se compromettre. Il n'y a rien la
malheureusement que de trop vraisemblable.]
Bernardin n'etait nullement poete en vers; son amitie avec Ducis ne
l'induisit jamais a quelque epitre ou piece legere. L'exemple de
Delille, dont _les Jardins_ avaient devance de deux ans ses _Etudes_, et
qu'il avait retrouve plus tard a l'Institut, vers 1805, _tres-amoureux
de la campagne_, nous dit-il, ne le tenta pas davantage; et, tout en
l'admirant sans doute, il ne parait point l'avoir envie. Les seuls vers
imprimes, je crois, et peut-etre les seuls composes par Bernardin, se
trouvent dans la _Decade philosophique_ (10 brumaire an III),[65] et ont
pour sujet la naissance de sa fille Virginie. Ils sont inferieurs de
beaucoup aux vers de Fenelon, et tres a l'unisson d'ailleurs de ce
qu'ont tente en ce genre tant de prosateurs illustres, depuis le Consul
romain.[66] Cette impuissance de la mesure serree et du chant, en ces
organisations si accomplies, marque bien la specialite du don, et venge
les poetes, meme les poetes moindres, ceux dont il est dit: "Erinne a
fait peu de vers, mais ils sont avoues par la Muse."
[Note 65: Et aussi dans l'_Almanach des Muses_ de 1796.]
[Note 66: Je ne pretends point pourtant, dans cette allusion au
Consul romain, adopter en tout les plaisanteries de Juvenal et des
ecrivains du second siecle sur les vers de Ciceron. Je sais que Voltaire
(preface de _Rome sauvee_) a pu plaider avec avantage la cause de cet
autre talent universel, et citer de fort beaux vers sur le combat de
l'aigle et du serpent, qu'il a lui-meme a merveille traduits. Toutefois,
l'inferiorite incomparable du talent poetique de Ciceron en face de
sa gloire d'orateur et d'ecrivain philosophique demeure une preuve
a l'appui du fait general. Et Jean-Jacques lui-meme, ce roi des
prosateurs, qui a donne quelq
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