r le poete dont la reputation grossissait chaque
jour a distance. L'Institut national lui faisait ecrire pour le prier de
rentrer en son sein, et ce ne fut qu'apres trois ans d'un silence par
trop boudeur, qu'on le remplaca dans la _section_ de poesie. Enfin, de
Londres, ou il venait de traduire en dix-huit mois _le Paradis perdu_,
il laissa echapper une seconde edition, tres-augmentee, du poeme des
_Jardins_, et _l'Homme des Champs_ (1800), dont l'impression etait
retardee depuis trois ans.
On publia, vers ce temps, un recueil de ses poesies diverses et
fragments, auquel M. Michaud ajouta une notice biographique, car
on etait avide des moindres details. Les _extraits_ de Fontanes au
_Mercure_ et de Ginguene a _la Decade_, sur _l'Homme des Champs_,
etaient inseres dans le volume; on tachait d'y refuter les critiques,
d'ailleurs fort moderees et respectueuses, de Ginguene.[41] Bref, Delille
entrait vivant dans la gloire incontestee, et prenait rang parmi ceux
qui regnent.
[Note 41: Je trouve dans l'extrait de Ginguene que l'homme d'esprit
refute aux premieres lignes de la preface de _l'Homme des Champs_, M. de
M., est _Senac de Meilhan_; ce qui me parait plus vraisemblable que _M.
de Mestre_, qu'on lit dans beaucoup d'editions subsequentes de Delille.]
Cette monarchie, bien suffisamment legitime, ou il allait s'asseoir, ne
se declarait pas moins par certaines attaques demesurees et desesperees,
et qui etaient en petit comme les conspirations republicaines de meme
date contre Bonaparte.
En regard du trophee poetique que lui dressaient ses amis, il parut
une brochure intitulee _Observations classiques et litteraires sur les
Georgiques francaises, par un Professeur de belles-lettres_ (an IX). Il
y etait dit: "Comment se flatter de ramener l'opinion sur un ouvrage
qui, meme avant la publicite, etait _devoue a l'apotheose?_" On y
supputait que, dans un ouvrage de 2,642 vers, il se trouvait:
643 repetitions, 558 antitheses, 498 vers symetriques, 294 vers
surcharges, 164 vers leonins.
Total: 2,157.
En tete du volume se voyait une caricature d'apres le dessin d'un eleve
de David. Le poete, en costume d'abbe, tournait le dos a la Nature et
dirigeait ses pas et sa lorgnette vers le Temple du mauvais Gout. Des
farfadets lui presentaient des hochets et des guirlandes. Sa chatte
Raton etait a ses pieds; il se couvrait la tete d'un parasol, et on
lisait au-dessous ces deux vers de _l'Homme des Champs_:
Majestueux E
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