|
ues jolis vers dans _le Devin_, n'est-il
pas convenu nettement qu'il n'entendait rien a cette _mecanique-la_?]
Bernardin de Saint-Pierre vecut assez pour assister a toute la grande
moitie du developpement litteraire et poetique de M. de Chateaubriand.
Il avait ete des l'abord salue et celebre par lui. Sut-il l'apprecier
en retour et reconnaitre en cet ecrivain grandissant le plus direct, le
plus autorise en genie, et le plus devorant en gloire, de ses heritiers?
Ce qu'il y a de certain, c'est que les critiques passionnes ne s'y
trompaient pas. Marie-Joseph Chenier s'armait volontiers de _la
Chaumiere indienne_, de _Paul et Virginie_, contre _Atala_ et _Rene_; il
opposait cette simplicite elegante (qui dans son temps avait bien ete
une innovation aussi) a la maniere de ceux qui denaturent la prose,
disait-il, en la voulant elever a la poesie. Quels qu'aient ete sur ce
point les jugements et les presages de Bernardin de Saint-Pierre, il a
pu vieillir tranquille en munie temps que fier dans sa gloire; car il
y avait dans l'illustre survenant assez de traits de filiation pour
constater le role actif du devancier qui allait demeurer en arriere.[67]
Bernardin n'a pas non plus mediocrement agi sur d'autres ecrivains
formes vers cette fin du siecle, et moins connus comme peintres qu'ils
ne meriteraient, sur Ramond, sur Senancour. Lamartine, en faisant lire
et relire a son Jocelyn le livre de _Paul et Virginie_, a proclame cette
influence premiere sur les jeunes coeurs qui, depuis l'apparition des
_Etudes_, s'est prolongee en palissant jusqu'a nous; il n'y a pas rendu
un moindre hommage dans le titre et dans maint retentissement de ses
_Harmonies_, mais nulle part d'un instinct plus filial, selon moi, que
par cette piece du _Soir_ des premieres _Meditations_, qui est comme la
poesie meme de Bernardin, recueillie et vaporisee en son intime essence.
M. Ferdinand Denis, auteur de _Scenes de la Nature sous les Tropiques_
et d'_Andre le Voyageur_, est dans nos generations un representant
tres-pur et tres-sensible de l'inspiration propre venue de Bernardin de
Saint-Pierre: par les deux ouvrages cites, il appartient tout a fait a
son ecole; mais c'est sa famille qu'il faut dire. Nous tous, nous avons
ete une fois ses disciples, ses fils; tous, nous avons ete baignes,
quelque soir, de ses molles clartes, et nous retrouvons ses fonds
de tableaux embellis dans les lointains deja mysterieux de notre
adolescence. Oh! que son rayon de melanc
|