r (comme style) aux grands paysages de Virgile reproduits
par le futur chantre des jardins de Bagatelle, de Beloeil et de Trianon.
Quelque chose comme Poussin, par Watelet. Une villa des collines
d'Evandre, transportee a _Moulin-Joli_.
La question tant agitee de la traduction en vers des poetes n'en est pas
une pour nous. Nul doute que si un vrai et grand poete se mettait en
tete de nous traduire Virgile, Homere ou Dante, ou tel autre maitre, il
n'y reussit a force de temps et de soins, sinon pour la lettre stricte,
du moins pour le sentiment et la couleur. Mais a quoi bon? Jamais poete
de cette trempe ne s'enchainera ainsi au char d'un autre. Il pourra s'y
essayer par moments; il pourra dans sa jeunesse, un jour de loisir,
detacher et agiter ce bouclier suspendu, bander cet arc impossible,
manier ce glaive de Roland. Mais, une fois sa force essayee et reconnue,
il l'emploiera pour son compte, et en se rappelant, en nous rappelant
par eclairs ses autres grands egaux, il sera lui-meme.
Dans Andre Chenier, dans plusieurs des poetes du XVI e siecle, qui ont
imite ou traduit des fragments de poetes anciens, le sentiment exquis du
modele, ce sentiment que je ne puis definir autrement que celui de l'art
meme, se revele a qui est fait pour l'apprecier, Il n'y a pas trace
de ce genre de sentiment chez Delille, qui a d'ailleurs, dans sa
traduction, le merite de l'elegance, telle qu'on l'entend vulgairement,
le merite aussi de la continuite et de la longueur de la tache, et enfin
celui d'avoir fait connaitre agreablement aux femmes et a une quantite
de gens du monde un beau poeme qui n'etait pas lu.
En un mot, il a rendu, pour _les Georgiques_, le meme service a peu pres
que l'abbe Barthelemy allait rendre pour la Grece. Il a ete, par sa
traduction, une espece d'Anacharsis parisien de la campagne et de la
poesie romaine.
Le grand succes des _Georgiques_ decida la vocation de Delille, si elle
n'etait decidee deja: il tourna au didactique et au descriptif.
En entendant dernierement M. Ampere exposer, a propos des poemes
didactiques du moyen age, l'histoire piquante de ce genre, je pensais
a Delille et me disais combien ce qui avait paru si neuf de son temps
etait vieux sous le soleil. Le genre d'Hesiode, de Lucrece, et de
Virgile dans _les Georgiques_, a chez eux sa simplicite, sa grandeur
philosophique, sa beaute pittoresque. Le didactique et le descriptif
ne sont que l'abus et l'exces de ce genre dans sa decadence, et qu
|