rmes, ses revoltes, toute la
matiere de son reve interieur. Les mots lui obeissaient deja sans
resistance, les images suivaient d'elles-memes et s'entrelacaient sans
effort avec une justesse que rencontrent seuls, du premier coup, les
ecrivains de race. Ecrire est, pour certaines personnes, aussi naturel
que respirer. George Sand ecrivait en prose comme Lamartine en vers;
c'etait pour tous les deux une sorte de fonction de la vie; ils la
remplissaient sans l'avoir etudiee; ni l'un ni l'autre n'aurait pu en
rendre compte a eux-memes ni aux autres. Ni l'un ni l'autre ne furent
des artistes de travail et de volonte; ils furent des artistes de
nature; ils etaient nes grands ecrivains, ils l'etaient des la premiere
page.
Cette facilite, qui est un don, est un piege. George Sand n'a pu
echapper a ce peril d'un abandon trop peu surveille au courant qui
l'entraine. Elle a une complaisance excessive a developper ses idees;
elle s'endort parfois, elle s'oublie dans une sorte de prolixite qui la
trompe elle-meme; elle a ses negligences. On a aussi note trop souvent
une certaine tendance a l'emphase, pour que ce grief n'ait pas quelque
motif. Dans les conversations, ou plutot dans les discours dialogues de
_Lelia_ ou de _Spiridion_, de _Consuelo_ ou de _la Comtesse de
Rudolstadt_, il est certain que ce beau style devient la proie d'un
lyrisme philosophique assez nuageux, qu'il s'y dissout en vapeurs
fuyantes ou s'y assombrit jusqu'a une sorte d'obscurite volontaire. Les
tenebres ne vont pas a ce temperament sain et naturel de l'ecrivain. Il
les secoue avec bonheur et se retrouve tout entier, quand la crise
philosophique est terminee, soit dans les descriptions de paysages, qui,
dans _Lelia_, sont d'un art merveilleux, soit dans les peintures de
caracteres, des que l'ecrivain sort de ces regions d'une demi-realite a
peine consistante, quand il touche terre, quand il se prend a la vie ou
qu'il s'egaye d'une de ces situations qu'il a inventees (comme les
diverses rencontres de voyageurs dans _Teverino_). Il y a la des parties
de dialogues tres vives, spirituelles, d'autres tres elegantes, des
remarques et des conversations pleines d'un esprit de belle tournure et
de bonne compagnie, meme quand les personnages sont equivoques. On n'a
peut-etre pas assez remarque cette qualite de l'esprit dans le style de
George Sand: "Les romantiques, a-t-on dit, n'ont pas connu la bonne
plaisanterie: ni Chateaubriand, ni Lamartine, ni Vigny, ni Hugo,
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