ni
Balzac, ni George Sand." Cela n'est pas tout a fait juste pour Mme Sand.
Elle n'avait pas d'esprit dans la conversation, elle ne savait pas
plaisanter en causant. Mais tout changeait quand elle avait la plume a
la main. Elle suivait alors, d'un trait rapide, les conversations
qu'elle entendait au dedans d'elle-meme; elle s'y absorbait, et, dans
ces improvisations qu'elle recueillait de ses interlocuteurs
imaginaires, le naturel, la grace, la verve, la finesse ingenieuse
abondaient; la force de la situation se dessinait si vivement en elle,
qu'elle semblait n'etre qu'un echo; mais la voix interieure qui lui
dictait ces vives et fines reparties etait bien a elle; c'etait
_elle-meme_ et _une autre_, tres differente de ce qu'elle etait dans la
vie reelle.
"Ce n'est, nous dit-on encore, ni par un eclat extraordinaire ni par la
perfection plastique que son style se recommande, mais par des qualites
qui semblent encore tenir de la bonte et en etre parentes. Car il est
ample, aise, genereux, et nul mot ne semble mieux fait pour le
caracteriser que ce mot des anciens: _Lactea ubertas_, une abondance de
lait, un ruissellement copieux et bienfaisant de mamelle nourriciere",
et l'image entraine une hardie et charmante apostrophe a la "_douce Io
du roman contemporain_"[11]. Rien de plus aimable, assurement. C'est
l'hommage d'un ecrivain qui, parmi les jeunes, est un de ceux qui l'ont
le plus et le mieux aimee. Un mot pourtant nous inquiete. On reproche a
ce style si expressif et si colore de n'etre pas suffisamment
_plastique_. Que veut-on dire par la? Sans doute qu'il n'est pas assez
fortement modele sur les formes reelles, qu'il n'en dessine pas assez
rigoureusement les contours, comme celui de Victor Hugo, de Theophile
Gautier ou de Flaubert, qu'il ne s'etudie pas a les mettre en relief?
Est-ce un tort? S'il n'est pas plastique, c'est-a-dire sculptural, ce
style est pourtant tres pittoresque, et, quand il s'agit de decrire, il
ressemble a une belle peinture. N'est-ce pas une compensation? Ce style
est d'une transparence merveilleuse, au fond de laquelle on voit la
realite telle que l'a vue le peintre, plus la pensee meme du peintre qui
l'a interpretee. Soit dans les descriptions, soit dans les analyses,
soit dans la suite des evenements, il suit l'idee d'un mouvement
continu, il l'exprime et le manifeste avec une aisance et une fluidite
qui n'empechent pas la force.
J'ai vu, dans un repli des montagnes du Jura, une source
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