'on se demande quelle resistance possede la masse.
La certitude du triomphe du socialisme par la paix est loin d'etre
universellement partagee. Beaucoup de personnes attendent meme avec
anxiete--depuis les derniers evenements qui se sont produits dans les
rangs du parti socialiste-democrate allemand--l'avenement de cette
espece de socialisme qui, a present, parait tenir le haut du pave en
Allemagne, justement parce que cette doctrine ne ressemble plus du tout
a l'idee que l'on s'en etait formee.
Nous sommes d'avis que les choses prendraient une tout autre allure si
la guerre prochaine pouvait avoir comme consequence la destruction du
militarisme. Supposons l'Allemagne battue, soit par la Russie seule,
soit par la France et la Russie reunies. Si alors l'autocrate allemand
(qui, a l'instar de Louis XIV, se proclame l'unique autorite du pays),
est culbute par un mouvement populaire, et qu'ensuite le peuple, sachant
que la victoire definitive de la Russie equivaudrait au retour du
despotisme, se leve plein d'enthousiasme pour refouler l'invasion, ces
armees populaires seront certainement victorieuses comme l'ont ete les
Francais de 1793 contre les armees des tyrans coalises.
Les Russes sont battus a plate couture. On fraternise avec les Francais,
car la cause de l'animosite entre les deux peuples, l'annexion de
l'Alsace-Lorraine, disparait aussitot.
Et qui sait si le proletariat francais, degoute de la republique de
bourgeois tripoteurs, ne mettra pas un terme a un regime capable de
detourner de lui le plus fougueux republicain.
Est-ce qu'une pareille solution ne serait pas preferable?
Mais, meme en laissant de cote toute philosophie et toute prophetie,
nous n'avons pas, comme socialistes, a encourager l'esprit guerrier
contre qui que ce soit. Nous devons, au contraire, faire tout ce qui est
en notre pouvoir afin de rendre la guerre impossible. Si les
gouvernants, par crainte du socialisme, n'osent pas faire la guerre,
nous avons deja beaucoup gagne, et si la paix armee, qui est encore pire
que la guerre parce qu'elle dure plus longtemps, pousse les puissances
militaires vers la banqueroute, nous n'avons qu'a nous en feliciter,
car, meme de cette facon, le capitalisme devient son propre fossoyeur.
Si nous etions d'accord avec Bebel et Liebknecht, nous nous verrions
obliges d'approuver et de voter toutes les depenses militaires, car en
refusant, nous empecherions le gouvernement de se procurer les moyens
dont i
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