complaisance.
CORLAIX. Par qui?
BRAMBOURG. Par tout le monde.
CORLAIX. C'est beaucoup de monde! vos subordonnes ... vos superieurs.
BRAMBOURG. Tout le monde. [Silence. Il continue apres avoir hesite.] Et
sur terre comme sur mer ... Il y a naturellement des hommes
privilegies ... ceux dont le merite ...
CORLAIX. C'est entendu. Mais les autres hommes?
BRAMBOURG. Les autres hommes? Dame, j'en sais qui ont voulu tenter
l'aventure d'etre bons ... d'etre trop bons ... et qui s'en sont mal
trouves. Ils cherchaient a se faire aimer ... ils se font fait
mepriser ...berner ...
CORLAIX. Diable de diable!... A ce point?...
BRAMBOURG. Commandant, vous vous moquez de moi ... Mais cette fois, vous
avez tort ... Je pourrais citer des cas ... j'en sais de lamentables ...
CORLAIX. Citez, mon cher, citez!...
BRAMBOURG. A quoi bon, Commandant?... La liste est trop longue des
hommes de coeur bafoues par la canaille ...
CORLAIX. Ma foi! vous etes trop jeune pour avoir souvent voyage et tout
de meme vous etes revenu de beaucoup de pays.
BRAMBOURG. Oh! je n'ai pas besoin de quitter la France ... ni meme
Toulon ... Des soldats qui carottent leurs officiers?... des valets qui
pillent leurs maitres.?... des femmes qui trompent leurs maris?... que
diable n'a pas vu cela partout et mille et dix mille fois!
CORLAIX. C'est toujours instructif a rappeler ... quand c'est a propos.
BRAMBOURG [qui poursuit]. Il n'y a pas si longtemps que je l'ai vu.
CORLAIX. Ou?
BRAMBOURG. Dans ma propre famille.
CORLAIX. Il vous est peut-etre penible de remuer ...
BRAMBOURG. C'est une vieille histoire ... et d'ailleurs une histoire tres
laide!... l'histoire d'un de mes oncles que j'aimais beaucoup et qui
etait vraiment un brave homme ... un homme excellent ... non sans valeur
ma foi ... il n'etait plus jeune ... mais il etait encore loin d'etre
vieux ... [Corlaix allume une cigarette et n'en offre pas a Brambourg.]
Bref, un vilain jour ... oh! il y a longtemps de cela: j'avais dix ou
douze ans, lui quarante ou cinquante, un vilain jour, la fantaisie le
prit de se marier ... Il avait vecu seul jusqu'alors, mais sa solitude
lui pesa tout a coup. Dieu sait pourquoi. Il crut tres bien faire en
epousant une femme jeune et jolie qui, d'ailleurs, lui temoignait,
parait-il, beaucoup d'amitie.
CORLAIX. Ah! bah! il crut bien faire?
BRAMBOURG. Il faut croire puisque ... mais la suite prouva qu'il avait
mal fait! Je ne sais pas si je vo
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