e force. Madame de Corlaix a dit "oui".
CORLAIX. Est-ce qu'une jeune fille sait ce qu'elle dit.
D'ARTELLES. Peut-etre pas absolument, mais ...
CORLAIX. Allons donc!... [Il s'arrete de nouveau en face de l'enseigne.]
Du diable si je sais par exemple pourquoi je vous raconte tout cela que
je n'ai jamais raconte a ame qui vive!... Oui, pourquoi, pourquoi,
pourquoi? Evidemment, vous me plaisez ..., evidemment, si j'avais un fils
j'aimerais qu'il fut ce que vous etes. Que mon supplice vous serve
d'exemple. Mon ami, ma femme avait dix ans quand elle perdit son
pere ..., elle l'avait beaucoup aime ... elle le regrettait encore apres
dix autres annees et c'est alors que je l'ai rencontree. D'Artelles,
elle etait tellement naive qu'elle mit sa main dans la mienne croyant
qu'un mari ... un mari de mon age etait un second pere ... et voila
tout!... un pere de rechange qui allait remplacer le premier!
Parfaitement, elle se figurait cela et rien d'autre ... rien de plus,
rien de moins. Et elle eut raison de se le figurer: peu a peu, je suis
devenu le pere de ma femme, d'Artelles ... son papa, son vieux papa ...
rien de plus, rien de moins. C'est gentil n'est-ce pas?
D'ARTELLES. Commandant, je vous ...
CORLAIX. Je n'ai pas fini, attendez. Vous ne savez pas encore le plus
beau; ma femme m'aime donc comme une fille aime son pere. Eh bien,
figurez-vous que moi, je suis assez idiot pour l'aimer autrement;
comprenez-vous? Je l'aime comme un amant ..., je l'aime d'amour!
d'amour!... Mais riez donc, sacrebleu! c'est a se tordre!
D'ARTELLES [Il a recule peu a peu jusqu'a la porte]. Commandant, je vous
en supplie! Pour votre honneur et pour le mien, je n'ai pas le droit
d'entendre.
CORLAIX [qui n'ecoute pas]. Un martyre? Oui, quelque chose comme cela,
un martyre, un martyre de toutes les heures ... Un martyre de toutes les
minutes ... J'etouffe et je suffoque ... J'aime ma femme ... [Il rit.]
D'ARTELLES [il est dans le chambranle]. Commandant, taisez-vous,
taisez-vous!
CORLAIX. Et c'est une impasse ... Pas d'issue ... Pas meme un trou dans le
mur ... Rien. Si, quelque chose tout de meme ... Les six planches ... les
six planches ... Mais alors ... Vite ... Vite ...
RIDEAU.
* * * * *
DIEUXIEME ACTE
[La scene represente la chambre de d'Artelles. A gauche, le lit. Au
fond, un hublot cache par un rideau.
Au lever du rideau, Jeanne et d'Artelles sont assis cote a cote.]
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