de lui,
qu'il avait fait empoisonner le feu roi. La comtesse sa femme fut
neanmoins de la fete, ainsi que la comtesse de Flandre, qui se
disputerent entre elles le droit de porter l'epee devant le roi, comme
representant leurs maris absens. Mais, sur le refus qu'on leur en fit,
elles consentirent que Philippe, comte de Boulogne, oncle du roi, eut
cet honneur, sans prejudice de leurs droits, ou plutot de ceux de leurs
maris.
L'affront qu'on venait de faire au comte de Champagne ne pouvait
manquer, vu son caractere brouillon, de le jeter dans le parti des
factieux, et il semble qu'il eut ete de la prudence de ne lui en pas
donner l'occasion. Mais ou l'on savait qu'il y etait deja, ou la
reine regente ne se crut pas assez d'autorite pour obtenir des grands
seigneurs assembles qu'il n'en fut pas exclu: peut-etre aussi ne
fut-elle pas fachee de voir mortifier un seigneur qui avait eu la
hardiesse de lui temoigner de l'amour.
Quoi qu'il en soit, il fut un des premiers qui fit ouvertement des
preparatifs pour la revolte, de concert avec deux autres seigneurs
mecontens: c'etaient Pierre de Dreux, comte de Bretagne, surnomme
_Mauclerc_[1], auquel Philippe-Auguste avait fait epouser l'heritiere de
ce comte; et Hugues de Lusignan, comte de la Marche, qui avait epouse
Isabelle, fille d'Aymard, comte d'Angouleme, veuve de Jean-Sans-Terre,
roi d'Angleterre, mere de Henri III, qui y regnait alors.
[Note 1: C'est-a-dire, suivant le langage du temps, _homme malin et
mechant_.]
Comme l'archeveche de Reims etait alors vacant, ce fut de Jacques de
Bazoche, son suffragant, eveque de Soissons, que Louis recut cette
onction qui rend les rois sacres pour les peuples. Quoiqu'il fut encore
bien jeune, il etait deja assez instruit pour ne pas regarder cette
action comme une simple ceremonie[2]. Il ne put faire, sans trembler, le
serment de n'employer sa puissance que pour la gloire de Dieu, pour la
defense de l'Eglise et pour le bien de ses peuples. Il s'appliqua ces
paroles qui commencent la messe ce jour-la, et dont David se servait
pour dire: _Qu'il mettait en Dieu toute sa confiance, et qu'il
s'assurait d'etre exauce_.
[Note 2: Joinville, p. 15.]
Comme cette ceremonie est trop connue pour nous arreter a la decrire, je
dirai seulement que, lorsqu'elle fut finie, on fit asseoir le roi sur un
trone richement pare, que l'on mit entre ses mains le sceptre et la main
de justice, et qu'ensuite tous les grands seigneurs et prelats, qui
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