est le premier connetable de France qui ait ete
general d'armee: car, auparavant la charge de connetable repondait a peu
pres a celle de grand-ecuyer. Son courage, son credit, son habilete,
illustrerent beaucoup sa famille, et commencerent a donner a la charge
de connetable l'eclat qu'elle a eu depuis.
Le chancelier Garin avait ete d'abord chevalier de
Saint-Jean-de-Jerusalem, ensuite garde-des-sceaux, puis eveque de
Senlis, et enfin chancelier. Genie universel, d'une prudence et d'une
fermete sans exemple; grand homme de guerre avant qu'il fut pourvu de
l'episcopat, il se trouva avec Philippe-Auguste a Bouvines, ou il fit
les fonctions de marechal de bataille, contribua beaucoup a la victoire
par ses conseils et par son courage, et dans laquelle il fit prisonnier
le comte de Flandre; eveque digne des premiers siecles, quand il cessa
d'etre homme de guerre. Ce fut lui qui eleva la dignite de chancelier au
plus haut degre d'honneur, et lui assura le rang au-dessus des pairs de
France. Il commenca le _Tresor des chartres_, et fit ordonner que les
titres de la couronne ne seraient plus transportes a la suite des rois,
mais deposes en un lieu sur. Il continua jusqu'a sa mort a aider de ses
conseils la reine Blanche, et conserva, sous sa regence, le credit qu'il
avait depuis quarante ans dans les principales affaires de l'etat.
La France commenca donc a respirer, apres tant de desordres causes par
les guerres civiles. La regente n'oublia rien pour retablir l'ordre
et la tranquillite dans tout le royaume; elle continua ses soins pour
accommoder encore les differends de quelques seigneurs, qu'on n'avait pu
terminer dans le parlement de Compiegne.
Elle fit revenir a Paris les professeurs de l'universite, qui s'etaient
tous retires de concert, a l'occasion d'une querelle que quelques
ecoliers[1], a la suite d'une partie de debauche, avaient eue avec des
habitans du faubourg Saint-Marceau, et sur laquelle le roi n'avait pas
donne a l'universite la satisfaction qu'elle avait demandee avec trop de
hauteur et peu de raison.
[Note 1: Les ecoliers n'etaient pas alors, comme aujourd'hui, des enfans
a peine sortis de l'adolescence: c'etaient tous des hommes faits, qui
causaient souvent des desordres, et que l'universite soutenait trop.]
On tint la main a l'execution d'une ordonnance publiee quelque temps
auparavant contre les Juifs, dont les usures excessives ruinaient toute
la France. On fit fortifier plusieurs places sur les
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