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lui ajouta qu'il etait temps de se declarer, et de rompre ouvertement
avec le comte de Poitiers. Ils concerterent ensemble la maniere de le
faire, et voici comme ils s'y prirent.
_Le comte de la Marche se revolte contre le comte de Poitiers_.
Le comte de la Marche, s'etant fait escorter par un grand nombre de gens
armes, vint trouver le prince qui l'attendait a diner, et lui parla
de la maniere la plus audacieuse. "Vous m'avez surpris et trompe, lui
dit-il, pour m'engager malgre moi a vous faire hommage; mais je vous
declare et je jure que jamais je ne le ferai. Vous etes un injuste qui
avez envahi le comte et le titre de comte sur le comte Richard, fils
de la reine mon epouse, tandis qu'il etait occupe a combattre dans la
Palestine pour la foi, et a tirer de la captivite et de la tyrannie des
infideles la noblesse francaise qui, sans lui, y serait encore." Il
ajouta plusieurs menaces en se retirant, monta aussitot sur un cheval
qu'on lui tenait tout pret, et sortit de Poitiers, apres avoir mis le
feu a la maison ou il avait loge. Il traversa avec grand bruit toute
la ville, qu'il laissa dans un grand etonnement d'une si prodigieuse
audace. Le prince, surpris de cette incartade, n'aurait pas manque de le
faire arreter, s'il avait eu le temps de se reconnaitre; mais le comte
avait pris toutes ses suretes, et fut en un moment hors de la ville,
avec sa femme et toute sa famille.
Alphonse ne tarda pas a informer la cour de ce qui s'etait passe, et le
roi comprit qu'il en fallait venir a la guerre. Le comte de la Marche
s'y etait bien attendu; il ne pensa plus qu'a mettre ses forteresses
en etat de defense, et a lever des troupes. Il envoya en Angleterre
demander au roi l'execution de la parole qu'il lui avait donnee de
passer incessamment en France. Il lui manda qu'il devait moins se mettre
en peine d'amener des troupes, que d'apporter beaucoup d'argent; qu'en
arrivant il trouverait une armee prete a lui obeir; qu'il etait assure
du comte de Toulouse, du roi d'Aragon, du roi de Navarre, de toute la
noblesse de Poitou et de Gascogne, qui n'attendait que son arrivee pour
se declarer contre la France, et pour le remettre en possession des
provinces que les rois ses predecesseurs avaient perdues sous les
derniers regnes.
Le roi d'Angleterre, qui attendait avec impatience quelque coup d'eclat
de la part du comte, apprit cette nouvelle avec joie. Il promit a
l'envoye tout ce que son maitre demandait, et lui dit qu'il as
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