te le plus redoutable ennemi qu'on put lui
susciter a cause de la situation de ses etats au milieu du royaume. Il
fallait, pour cet effet, lui faire reprendre ses anciennes liaisons. La
comtesse de Champagne, Agnes de Beaujeu, etait morte. Thibaud, jeune
encore et n'ayant qu'une fille, cherchait a se remarier: on lui offrit
la princesse Iolande, fille du comte de Bretagne, quoique, par le traite
de Vendome, elle eut ete promise a Jean de France, frere du roi. Thibaud
ecouta volontiers cette proposition. Apres quelques negociations,
l'affaire fut conclue, et le jour pris pour amener la jeune princesse a
l'abbaye du Val-Secret, pres Chateau-Thierry, ou la ceremonie du mariage
devait se faire. Le comte de Bretagne etait en chemin pour venir
l'accomplir, accompagne de tous les parens de l'une et de l'autre
maison.
Quoique cette affaire eut ete tenue fort secrete, la regente toujours
attentive aux moindres demarches des seigneurs mecontens, fut instruite,
par ses espions et par les preparatifs que l'on faisait pour cette fete,
de ce qui se passait. Elle en previt les suites, en instruisit le
roi son fils, et l'engagea d'ecrire au comte de Champagne la lettre
suivante, qu'elle lui fit remettre par Godefroi de la Chapelle, grand
pannetier de France[1]: "Sire Thibaud, j'ai entendu que vous aves
convenance, et promis prendre a femme la fille du comte de Bretagne:
pourtant vous mande que si cher que avez, tout quant que ames au royaume
de France, ne le facez pas: la raison pour quoi, vous saves bien. Je
jamais n'ai trouve pis qui mal m'ait voulu faire que lui." Cette lettre,
et d'autres choses importantes que Godefroi de la Chapelle etait charge
de dire au comte, de la part du roi, eurent leur effet. Thibaud changea
de resolution, quelque avancee que fut l'affaire; car il ne recut cette
lettre que lorsqu'il etait deja en chemin pour l'abbaye du Val-Secret,
ou ceux qui etaient invites aux noces se rendaient de tous cotes.
Il envoya sur-le-champ au comte de Bretagne et aux seigneurs qui
l'accompagnaient, pour les prier de l'excuser, s'il ne se rendait pas
au Val-Secret, qu'il avait des raisons de la derniere importance qui
l'obligeaient de retirer la parole qu'il avait donnee au comte de
Bretagne, dont il ne pouvait epouser la fille. Aussitot il retourna
a Chateau-Thierry, ou, peu de temps apres, il epousa Marguerite de
Bourbon, fille d'Archambaud, huitieme du nom.
[Note 1: Joinville, 2e partie.]
Ce changement et cette declar
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