et au comte de Poitou a perpetuite; que le roi
serait quitte de la somme de cinquante mille livres tournois qu'il leur
payait tous les ans; qu'il pourrait faire paix ou treve avec le roi
d'Angleterre, comme bon lui semblerait, sans leur consentement, et
sans qu'ils y fussent compris; que le comte de la Marche ferait au roi
hommage pour le comte d'Angouleme, pour Castres, pour la chatellenie de
Jarnac, pour tout ce que le roi lui laissait, et pour tout ce qui en
dependait; qu'il ferait pareillement hommage-lige au comte de Poitiers
pour Lusignan, pour le comte de la Marche et toutes leurs dependances,
et cela, contre tous hommes et femmes qui pourraient vivre et mourir[1].
[Note 1: M. Ducange a rapporte cet acte tout au long dans ses
Observations sur l'Histoire de saint Louis, pag. 42.]
Cependant le roi d'Angleterre etait demeure a Saintes, afin d'y
deliberer sur le parti qu'il avait a prendre pour le reste de la
campagne, lorsqu'il fut instruit par le comte Richard son frere, du
traite que le comte de la Marche avait fait. Ce prince en avait appris
le detail par un de ces seigneurs francais qu'il avait tires de la
captivite des Turcs; lequel, par reconnaissance pour son bienfaiteur,
et par une generosite tres-mal entendue, crut pouvoir en cette occasion
trahir le secret de son souverain. Il fit savoir de plus au comte
Richard que le roi, dont l'armee augmentait tous les jours par l'arrivee
de quantite de nouvelles troupes de tous les coins du royaume, avait
resolu d'investir Saintes incessamment, de la prendre par force ou
par famine, et d'obliger le roi d'Angleterre, et tous ceux qui se
trouveraient dans la place de se rendre a discretion. Ce fut le 28
juillet que cet avis fut donne.
Henri eut peine a croire cette nouvelle; mais il recut un pareil avis
presqu'en meme temps de la part de Guy et de Geoffroi de Lusignan,
deux des fils du comte de la Marche. Ils l'assuraient que, des la
nuit suivante, Saintes serait investie; que meme les habitans etaient
d'intelligence avec le roi de France, et qu'il n'y avait pas un moment a
perdre pour sortir de cette ville. Henri etait sur le point de se mettre
a table, mais l'affaire etait si pressante qu'il monta sur-le-champ a
cheval. Il fut suivi de ceux qui etaient les plus prets a partir. Le
reste des seigneurs prit apres lui le chemin de Blaye, ou il leur fit
savoir qu'il se rendrait. Cette route, qui etait de treize a quatorze
lieues, se fit presque toute d'une traite. L'
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