des grands du royaume, rendit au comte
sa liberte, et lui fit remise de la moitie de sa rancon, a condition
de laisser seulement pendant dix ans, entre les mains du jeune roi, la
citadelle de Douai. Ce bienfait l'attacha si fortement aux interets de
la reine et de son fils, que rien ne put l'en ecarter, et qu'il resista
constamment a toutes les sollicitations des seigneurs mecontens.
Cependant le comte de Champagne avait leve le premier l'etendard de la
revolte: il avait fait une ligue avec les comtes de Bretagne et de la
Marche. Ils avaient commence par faire fortifier et fournir de munitions
de guerre et de bouche les chateaux de Beuvron en Normandie, et de
Bellesme dans le Perche, dont le feu roi avait confie la garde au comte
de Bretagne.
La regente, usant de la plus grande diligence, avant que les mecontens
fussent en etat de se mettre en campagne, assembla promptement une
armee assez nombreuse pour accabler le comte de Champagne. Elle fut
parfaitement secondee par Philippe, comte de Boulogne, oncle du roi; par
Robert, comte de Dreux, frere du comte de Bretagne; et par Hugues IV,
duc de Bourgogne. Elle marcha avec eux, accompagnee du roi son fils,
en Champagne, contre le comte Thibaud. Ce seigneur, surpris de cette
diligence, mit les armes bas, et eut recours a la clemence du roi qui
lui pardonna, et le recut en ses bonnes graces.
C'est sur cette reconciliation si prompte, et principalement sur les
discours perfides d'un auteur anglais[1], qu'il a plu a quelques-uns de
nos ecrivains d'orner, ou plutot de salir leur histoire de l'episode
imaginaire des amours du comte de Champagne et de la reine regente. Le
plaisir de mal parler des grands, et de se faire applaudir par des gens
corrompus, dont notre siecle n'est pas plus exempt que les autres, donne
la vogue a ces sortes de fables; mais celles-la ne furent point capables
de fletrir la reputation d'une reine a laquelle notre histoire a, dans
tous les temps, rendu la justice qu'elle meritait. D'ailleurs les
historiens anglais, et surtout Matthieu Paris, moine benedictin,
croyaient, par ces traits de malignite, venger leur roi Henri III des
avantages que les Francais, sous la conduite de la reine Blanche,
avaient remportes sur lui, lorsqu'ayant pris, comme je le dirai dans la
suite, le parti des mecontens, il fut renvoye dans son ile, apres avoir
vu detruire son armee, et depense beaucoup d'argent. A la verite,
suivant les memoires de ce temps-la, il y a lieu de p
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