aime le
roi mon fils_, repondit Blanche avec douceur, _mais, si je le voyais
pret a mourir, et que, pour lui sauver la vie, je n'eusse qu'a lui
permettre d'offenser son Dieu, le ciel m'est temoin que, sans hesiter,
je choisirais de le voir perir, plutot que de le voir encourir la
disgrace de son Createur par un peche mortel_.
La regente, avec sa grandeur d'ame ordinaire, meprisa ces calomnies,
et ceux qui les repandaient n'eurent pas la satisfaction de l'en voir
touchee; mais elle confondit leur malignite sur ce qui la regardait, en
mariant le roi son fils, et en lui faisant epouser la fille ainee du
comte de Provence.
Il s'appelait Raymond Berenger. Il etait de l'illustre et ancienne
maison des comtes de Barcelone, dont on voyait les commencemens sous
les premiers rois de la seconde race. Le royaume d'Aragon y etait entre
depuis pres de cent ans par une heritiere de cet etat. Le comte
de Provence, demembre de la couronne de France, du temps de
Charles-le-Simple, etait aussi venu par alliance dans la maison de
Barcelone, au moins pour la plus grande partie; car les comtes de
Toulouse y avaient des terres et des places, et se disaient marquis de
Provence. Ce comte fut le partage de la branche cadette dont Raymond
Berenger etait le chef, et cousin-germain de Jacques regnant
actuellement en Aragon.
Raymond Berenger eut de Beatrix, sa femme, quatre filles, qui, toutes
quatre, furent reines. Eleonore, la seconde, fut mariee a Henri II,
roi d'Angleterre. Ce prince fit epouser la troisieme, nommee Sancie,
a Richard, son frere, qui fut roi des Romains. Beatrix, la cadette de
toutes, epousa Charles, comte d'Anjou, depuis roi de Sicile, frere de
Louis. Enfin, Marguerite, l'ainee, epousa le roi de France. Ce prince la
fit demander par Gaulthier, archeveque de Sens, et par le sire Jean de
Nesle. Le comte de Provence, tres-sensible a cet honneur, en accepta
la proposition avec la plus grande joie. Il confia sa fille aux
ambassadeurs avec un cortege convenable pour la conduire a la cour de
France.
La naissance et la beaute de Marguerite la rendaient egalement digne
de cet honneur. Ses parens lui avaient fait donner une education assez
semblable a celle que Louis avait recue de la reine sa mere. Ce prince
l'epousa a Sens, ou elle fut en meme temps couronnee par l'archeveque.
Cependant la treve de trois annees, que Louis avait accordee au comte de
Bretagne, etait sur le point de finir: le comte y avait meme fait des
infract
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