Pour moi, j'ai la certitude d'avoir fait mon devoir de Francais jusqu'au
bout et c'est sans amertume que je fais a notre belle France le
sacrifice de ma vie.
Notre cause est belle et elle triomphera certainement. Heureux ceux
qui verront le triomphe, mais il ne faut point pleurer ceux qui y sont
restes pour y contribuer, afin de ne pas diminuer la joie du triomphe.
Pourquoi ai-je pris tant de precautions ces jours-ci? Probablement que
le bon Dieu a voulu qu'a vous tous j'aie le temps de lancer un dernier
adieu.
Adieu, mes cheres tantes, je mets dans mes caresses toute ma tendresse,
et encore une fois je vous recommande ma chere famille. Dites-leur bien
que ma derniere pensee a ete pour eux et que, si je les ai precedes
la-haut, c'est pour preparer la place ou bientot nous nous reunirons
tous.
A vous de tout coeur.
BEBERT.
_Lettre ecrite par Pierre KIEFFERT, tombe au champ d'honneur._
Le 15 Avril 1917.
Mes chers parents bien-aimes,
Je n'ai que le temps de vous ecrire ces quelques lignes, ecrites avant
mon depart vous savez ou, je vous l'ai dit dans ma derniere lettre.
Je me remets tout entier dans la Providence divine, dans le coeur de
Dieu. Puisse Dieu avoir pitie de vous et de moi, il a toujours eu pitie
des nombreuses familles.
Ce soir, si je peux, j'irai une derniere fois le remercier de toutes
les graces qu'il nous a accordees jusqu'a ce jour. Oui, remercions-le
ensemble et dans une fervente priere prenons confiance.
Je reviendrai, mais si toutefois le bon Dieu veut mettre fin a ma
vie, ne pleurez pas, les vrais chretiens ne pleurent pas puisqu'ils
retrouvent ceux qu'ils ont perdus la-haut dans le ciel.
Je serai probablement longtemps sans vous ecrire, cela dependra, mais
aussitot que je pourrai le faire je vous ecrirai un mot. Je n'ai pas
change de secteur depuis Verdun.
Donc, au revoir, chers parents, et confiance, priez pour moi, a bientot.
Je vous embrasse tous deux, embrassez pour moi Simone, Jeannette,
Marthe, Andre.
Votre fils qui vous aime de tout coeur,
PIERRE.
_Lettre d'Emile LACCASSAGNE, petit soldat de la classe 14, adressee a
son patron chez lequel il avait ete apprenti et ouvrier._
Du front, le 20 Septembre 1915.
Cher Monsieur Lasson,
C'est tout heureux que je viens de recevoir votre aimable carte. J'ai
donne egalement de mes nouvelles a Madame Lasson, en reponse d'une carte
que m'avait envoyee notre chere petite Nenette; vous en a-t-elle
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