tre ecrite par Victor-Desire-Joseph OLLAGNIER, tombe au champ
d'honneur le 20 Juillet 1915._
14 Juin 1915.
Mes bien chers Parents,
Je viens de recevoir votre lettre du 10 Juin et j'y reponds
immediatement. Nous sommes aujourd'hui au repos sur place a Gaschney. Ma
sante est toujours excellente, je ne puis demander mieux a ce sujet-la;
au moral, il en est de meme.
Je suis un peu inquiet au sujet de maman; papa me dit que chaque jour
elle se decourage un peu.
Il ne faut pas de cela, au contraire; malgre les soucis de l'heure
presente, il ne faut songer qu'au but poursuivi. Je crois qu'aujourd'hui
nous tenons la main sur les Boches. En particulier dans le secteur, _ils
ont peur de nous_, et l'heure n'est pas eloignee ou nous allons leur
passer une triquette quelque chose de soigne. Tous les jours, au
contraire, je suis plus confiant dans l'avenir, et ce n'est pas un
sentiment unique, personnel, c'est aussi le sentiment _vrai_ de nos
chefs, de mes camarades.
On les aura, on veut les avoir. Mais il ne faut pas se leurrer. Pire que
les poux qui se collent partout, ils se cramponnent; mais maintenant
c'en est fait: on leur passera sur le ventre et demain nous verrons se
lever devant nous une ere de bonheur. On sera d'autant plus heureux que
notre bonheur aura ete paye plus cher. Quelle satisfaction n'aurons-nous
pas au retour!
Ne serez-vous pas, et maman aussi, tres fiers apres la guerre de vous
dire, de pouvoir dire a tous: mon fils, notre enfant, a fait son devoir;
et moi-meme, aupres de vous, je marcherai la tete bien haute, fier de
pouvoir chanter bien haut: "Dans cette lutte gigantesque, j'ai pris ma
part, j'ai collabore a cette oeuvre immense, j'y ai trempe mon courage,
eprouve mon energie", et je ne souhaite qu'une chose, pouvoir dire
jusqu'a la fin, comme je puis le faire aujourd'hui, jamais mon courage
ni mon energie n'ont faibli.
Je dirai meme, mais ceci comme un enfant cause a ses parents, en pleine
intimite et en toute franchise, et sans forfanterie de ma part: Si vous
saviez comme je suis heureux, etant chef de section, de sentir autour de
moi mes cinquante _lapins_ qui ont en moi une confiance absolue. Il est
une chanson bien douce a mon ame quand j'entends leurs conversations
apres une petite affaire, le soir au bivouac: "Avec le sergent
Ollagnier, ca c'est un gars, j'irais n'importe ou"; c'est un caporal de
ma section qui disait cela. Eh bien! voyez-vous, je l'aurais embrasse,
c'etait aussi bo
|