fois, quand, le barda sur mon dos, je chemine sur les
interminables routes, je songe que vous me predisiez que je n'irais pas
bien loin en pareil equipage et que je supporterais fort mal la vie
militaire, et, ma foi! je donne un dementi assez categorique a ces
craintes. Quant au moral, j'etais trop heureux et incapable d'un effort
de longue haleine. J'ai pris l'habitude de ne pas me rebuter aux
desillusions; parce qu'il le fallait, j'ai fait par volonte ce que je
revais de faire par enthousiasme....
J'entends la musique qui, sur la place de l'Eglise, joue une marche
entrainante au rythme des chasseurs, et je vois notre retour triomphal
apres la victoire, sur les boulevards de Nice, au milieu des pavois et
des fleurs. J'entends le bruit des cuivres dans le tumulte des vivats,
je vois les baionnettes brillantes et les visages heureux de ceux qui
retournent.
Je vous vois sur un trottoir attendant le defile, puis vous melant a la
foule qui suit enthousiaste, en cherchant Marco.
Et puis, voila Marco qui passe, aussi heureux de ce qu'il a souffert que
de la joie immense du retour.
Ah! quelles belles expansions!
Quelles extravagances ne ferai-je pas?
Oui, mes cheris, ca viendra, encore un effort et puis ce sera le retour
triomphant!
Marcel DE LOSME.
_Lettre ecrite par le Sous-Lieutenant Max MAGNUS, 1er Regiment Etranger,
tombe au champ d'honneur, a Florina (Macedoine), en 1916._
23 Septembre, 12 h. 45.
Ma chere Berenice,
Depuis quatre jours, nous sommes au feu sans nous dechausser ni nous
desequiper. Il fait aujourd'hui un temps splendide. Je me sens tres fort
et tres vigoureux. Nous allons attaquer dans quelques instants. Si je
suis tue, mes dernieres pensees seront pour toi.
Je t'embrasse.
Max MAGNUS.
_Lettres du Commandant IMHAUS DE MAHY, officier en retraite, qui a
repris volontairement du service a 60 ans, tue heroiquement a Verdun, a
62 ans, le 30 Mars 1916._
28 Mars 1916.
_A sa Femme._
...Bombardement effroyable. De temps en temps, j'apprends que quelqu'un
ou quelques-uns de mes bien-aimes petits soldats, fils de femmes de
France et meres eplorees, sont tues ou blesses. L'assaut peut venir d'un
moment a l'autre. J'ai choisi mon P.C. dans la tranchee au centre de
l'attaque, puis mon dernier reduit ou, entoure des derniers defenseurs,
je lutterai jusqu'a la mort. Ton mari, ma chere femme, sera digne de
nos enfants, des DE MAHY, des DE LA SERVE. S'il tombe, ce sera fac
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