nement beaucoup le terrain.
Il y a, bien entendu, des pieces de tous les calibres et il en arrive
encore cette nuit. Nous avons eu une nuit bruyante, le tapage s'est
continue toute la journee et des deux cotes cela a ete un grand concert,
toute la lyre.
Mon bien cher Alfred, tu n'as pas oublie ce que je t'ecrivais l'an
dernier dans une semblable circonstance, tu es mieux place encore
pour apprecier mes sentiments. Si la mort me frappait sur le champ de
bataille, tu pourras te dire que je l'ai trouvee, que je suis venu la
chercher de loin, pour accomplir ce qui m'a paru un devoir, et que
j'ai considere, a tort peut-etre, mais en toute conscience, que je
travaillais pour notre honneur, inspire par mon amour pour vous.
Au demeurant, la confiance la plus entiere m'anime que Dieu veillera sur
mes jours comme il veille sur les tiens et je me place entierement sous
sa supreme volonte.
Ne t'etonne pas surtout si tu ne recois pas de lettres de moi, cela
prouvera simplement que les correspondances ne marchent pas, mes
dispositions etant prises a toutes eventualites.
Au revoir, mon bien cher Alfred, je t'embrasse avec tout mon coeur.
Ton pere qui t'aime,
Louis SAUVRY.
_Lettre ecrite par Charles SAVEL, Marechal des Logis au 11e Chasseurs, a
Vesoul, mort au champ d'honneur._
Chers Parents,
Si vous recevez cette lettre, c'est que mon reve se sera realise, je
serai mort pour la Patrie, j'aurai donne mon sang pour la France. Je
vous demande de ne verser sur mon cercueil que des larmes de joie;
faites en vos coeurs le sacrifice de votre enfant et exaucez ma priere.
Je pars avec la volonte ferme de me battre a outrance toutes les fois
que j'en aurai l'occasion; rassurez-vous, je ne m'acharnerai pas sur
un ennemi desarme ou sur un vieillard, non. Mais je veux montrer aux
Allemands que les jeunes Francais sont plus patriotes qu'ils ne le
croient. J'ai fait, pour ma part, depuis longtemps, le sacrifice que
je vous demande de faire, encore une fois, exaucez cet ultime voeu. Je
meurs pour Dieu, pour ma Patrie et pour vous et cela ne fait qu'un tout
indissoluble. Parents cheris, je vous presse une derniere fois sur mon
coeur.
Votre CHARLES.
_Lettre ecrite par Albert-Charles TAUZIN, 12e Cuirassiers a pied, blesse
mortellement devant La Pompelle le 19 Decembre 1917, decede sept jours
apres a l'ambulance du front, Chateau Pommery, a Chigny-les-Roses
(Marne)._
Le 25 Decembre 1917.
Mon petit Papa cheri,
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