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devoir.
Si je suis tue, annonce-le a maman et a papa avec de grands menagements;
ma seule douleur, mon seul regret est que ma mort puisse vous faire de
la peine a vous tous que j'aime tant; mais pourquoi pleurer, nous nous
retrouverons un jour tous ensemble, un peu plus tot, un peu plus tard.
Et puis, n'est-ce pas la plus belle mort qui soit au monde, une mort
utile, une mort pour un but, pour une idee, pour un ideal. Et dans le
siecle mediocre ou nous sommes, cela fait du bien de se dire: "Eh bien,
moi, j'aurai au moins servi a quelque chose et j'aurai la mort qui me
plait le plus."
Je veux etre enterre la ou je serai tombe. Je ne veux pas etre enferme
dans un cimetiere ou l'on etouffe. Je serai mieux et plus a ma place
de soldat dans la terre de France, dans un de ces beaux champs pour
lesquels je donne ma vie avec joie, je vous le jure.
Cette lettre te parviendrait seulement dans le cas ou il me serait
arrive malheur.
Je vous embrasse tous qui avez ete si bons pour moi et que j'aime du
plus profond de mon coeur.
JACQUES.
_Lettre trouvee pres du corps de Georges LE BALLE, Sous-Lieutenant au
151e Regiment d'Infanterie, tombe au champ d'honneur, le 22 Aout 1914, a
Barlieux, bataille de Pierrepont (Meurthe-et-Moselle)._
22 Aout 1914.
Mes chers petits Parents
et Soeurettes bien-aimes,
Quand vous recevrez cette carte, votre petit gars ne sera plus. Faisant
une patrouille avec 6 hommes, on m'a tire une balle a quelques metres,
qui a rompu l'artere de la cuisse. Puis, abandonne, j'ai vecu encore
vingt-quatre heures et je suis alle dans le sein de Dieu, ou je vous
retrouverai tot ou tard. Ne pleurez donc pas trop et priez pour moi.
Allons! mes dernieres pensees seront pour vous et pour Dieu.
Je vous embrasse pour la derniere fois bien longuement et bien
tendrement.
Votre petit gars et frerot qui vous dit au revoir dans l'eternite,
GEO.
_Extraits de lettres de l'Enseigne de Vaisseau de 1re classe
Auguste-Charles-Jules-Marie LEFEVRE, mort heroiquement, le 27 Avril
1915, sur le_ Leon-Gambetta, _torpille a l'entree de l'Adriatique par un
sous-marin autrichien._
...Un jour, probablement, nous succomberons dans cette guerre sournoise
que nous font les sous-marins, mais nous avons tous sacrifie notre vie a
l'avance et nous ne sommes plus troubles.
...N'est-ce pas notre role de nous devouer, de risquer notre vie? Que
vaut-elle, apres tout? N'avons-nous pas l'espoir d'une autre existe
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